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socialement, il y a une grande différence, comme il y a une différence entre deux heures et une seconde, ou entre une force de mille kilogrammes et une d’un gramme, ou entre une longueur de mille mètres et une longueur d’un millimètre. Il n’en est pas moins vrai qu’une seconde est toujours une durée, qu’un millimètre est toujours une étendue, que la pensée d’une action est toujours une action, que l’idée d’un mouvement est toujours ce mouvement commencé ; s’il est arrêté ensuite, cela ne l’empêche point d’avoir existé tout d’abord. Quand nous pensons à une action simplement possible pour nous, nous voulons déjà cette action et nous la commençons. Bien plus, quand nous pensons à ce que nous ne voulons pas faire, à ce que nous déclarons énergiquement ne pas vouloir, l’acte d’attention par lequel nous pensons la chose est déjà un premier et provisoire consentement ; nous consentons à la regarder, sinon à l’exécuter ; nous entrons en pourparler avec elle. Dire : ce je ne veux pas », signifie : je ne continue pas de vouloir telle chose que j’ai bien voulu concevoir et dessiner dans ma pensée. La volonté n’apparaît pas et n’intervient pas tout d’un coup, par des actes spéciaux et des fiât, soit pour faire attention à une idée, soit même pour prendre, comme on dit, une « détermination ». Toutes les scènes intérieures qui nous paraissent et sont, en effet, si diversifiées, empruntent leur diversité aux sensations de mille sortes qui viennent se combiner avec le déploiement de notre volonté ; mais, encore un coup, ce déploiement en lui-même est toujours continu et toujours total ; nous voulons et agissons tout entiers, et les réactions tranchées contre les obstacles ne sont encore que les continuations de notre vouloir antérieur combiné avec des sensations nouvelles. Notre vie est une seule et même histoire interne, variée par tous les concours ou conflits extérieurs qu’elle rencontre. Ou la volonté n’est nulle part, ou elle est partout en nous. Nous sommes donc partout action et en mouvement, c’est là la vie, et la volonté ne cesse qu’avec la vie.

II. Existence de la volonté au point de vue physiologique

I.

— Ceux qui nient l’existence de la volonté s’efforcent de ramener physiologiquement tous les faits cérébraux à de simples « impressions » d’origine périphérique. Rien n’égale ici l’assurance des physiologistes parlant au nom de la science, sinon l’assurance d’autres