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A. BINET et CH. FÉRÉ. — l’hypnotisme chez les hystériques

Les sujets de cet ordre sont rares ; en les choisissant à l’exclusion de tous autres, nous avons restreint le champ de nos observations mais en revanche, nous avons rendu nos observations plus sûres, ce qui est bien une compensation. En effet, ces états sont les seuls où il soit possible, jusqu’à présent, de prouver scientifiquement la réalité du sommeil nerveux et avant d’étudier les caractères de ce sommeil, il n’est pas indifférent, ce nous semble de savoir si le sujet est réellement endormi. On peut simuler une hallucination, un rêve, un délire, une impulsion, tandis qu’il est impossible à une personne éveillée d’imiter un seul des phénomènes physiques de l’hypnotisme, et en particulier le phénomène de l’hyperexcitabilité neuro-musculaire. En dehors de ce critérium objectif, et en quelque sorte anatomique, il n’y a que des preuves morales, qui restent toujours personnelles à l’observateur.

C’est là une vérité qui est malheureusement encore méconnue aujourd’hui ; chaque jour voit paraître un nouveau recueil d’observations d’hypnotisme, où il n’est pas dit un mot de l’état somatique des sujets. On ne sait que penser de ces observations ; il est probable qu’elles contiennent une part de vérité, mais comment peut-on accepter de confiance un amas de faits recueillis en dehors de toute règle scientifique ?

Après s’être garanti contre les sujets qui simulent le sommeil, il reste encore toute une série de précautions à prendre, autant contre l’expérimentateur que contre l’hypnotisé, pour écarter les conséquences de ce qu’on a appelé la suggestion involontaire ou inconsciente. Voici en quoi consiste cette nouvelle cause d’erreur. Il peut arriver, et il arrive en fait que lorsqu’on observe un sujet endormi qui est très sensible à la suggestion, ce sujet se suggère spontanément, ou obéit à une suggestion que l’observateur lui donne involontairement, sans s’en apercevoir, par un geste ou par une parole imprudente de là des effets qui viennent croiser ceux qu’on produit intentionnellement, et qui parfois dénaturent complètement le résultat d’une expérience. Pour rendre ceci tout à fait clair, prenons un exemple ou deux supposons qu’une de nos somnambules, en voyant l’aimant qu’on place à côté de sa main, se rappelle d’une manière plus ou moins consciente, que l’aimant sert à la transposition de certains phénomènes du corps ; le réveil de ce souvenir pourra suffire à déterminer un transfert, mais un transfert suggéré, un transfert sans aucun rapport avec l’aimant, un transfert qui ne s’accompagnera d’aucun des caractères somatiques que l’aimant provoque. Ou bien encore, l’expérimentateur a l’imprudence d’annoncer à haute voix le résultat qu’il attend de