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vent les influences du milieu moral qui entoure l’enfant, soit des conditions journalières et des gens parmi lesquels il se développe, conditions qui peuvent communiquer une direction irrégulière à tout son développement névro-psychique. L’influence des personnes qui entourent l’enfant est décisive en matière d’éducation. En se servant du terme des évolutionnistes, on pourrait appliquer au développement intellectuel et moral du jeune être humain le nom d’adaptation aux conditions du milieu, dans le sens le plus étendu de l’expression. Mais comme la plasticité, ou la propriété de se modifier est très considérable dans l’âge infantile et juvénile, il est évident que le caractère des stimulations extérieures peut exercer une sérieuse influence sur le développement de l’enfant. De mauvaises conditions éducatives, des fautes d’éducation exercent une influence d’autant plus funeste que l’enfant est en plus bas-âge.

On peut subdiviser la mauvaise éducation en trois types principaux : 1o  L’éducation énervante ou affaiblissante. 2o  L’éducation rigide. 3o  L’éducation négligée.

J’entends par éducation énervante ou affaiblissante celle où l’on a peu de sollicitude pour le développement de la volonté, où l’on contrecarre ce développement, en laissant l’enfant d’ailleurs, dans des conditions qui contribuent à développer les sentiments. Des enfants, pareillement élevés, n’ont point d’habitudes régulières, ils ne savent pas contenir leurs instincts, leurs affections, leurs sensations désagréables et sont enclins à la subjectivité si funeste pour la santé psychique de l’homme. Le développement des sentiments, joint à une volonté faible, a pour suite cette direction nuisible du caractère, grâce à laquelle la manifestation du sentiment, qui n’est pas dompté par la volonté, se produit souvent, mais à un très faible degré. Tandis que, si la volonté est bien développée, les sentiments se trouvent sous son action répressive et se manifestent plus rarement, mais en revanche plus énergiquement, propriété très importante dans l’économie de la vie névro-psychique. Le changement fréquent des sentiments et des états émotionnels a pour conséquence l’inconstance du caractère. Une variété particulière de l’éducation énervante, c’est celle qui consiste dans la condescendance à tous les mouvements psychiques de l’enfant[1], ce qui le gâte, et dans des concessions qui vont si loin que l’éducateur et l’élève changent parfois de rôle. L’éducation énervante gâte beaucoup plus le caractère que l’éducation rigide ou négligée.

  1. On trouve sur ce sujet d’excellentes observations dans Guislain, Leçons sur les phrénopath., t.  II. p. 32.