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REVUE PHILOSOPHIQUE

losophie furent Bryson[1], disciple de Socrate, ou, ainsi qu’il semble plus probable, d’Euclide de Mégare, puis Anaxarque qu’il suivit partout dans la campagne d’Asie. Vraisemblablement le premier lui enseigna la dialectique subtile qui fut tant en honneur dans l’école de Mégare, et qui aboutissait naturellement à une sorte de scepticisme sophistique. L’autre l’initia à la doctrine de Démocrite, pour laquelle il conserva toujours un goût très vif[2].

En compagnie d’Anaxarque, Pyrrhon suivit Alexandre en Asie : il composa une pièce de vers dédiée au conquérant, et qui lui valut un présent de 10 000 pièces d’or[3]. Il connut les gymnosophistes et les mages indiens, et probablement ce Calanus[4], qui accompagna quelque temps Alexandre, et donna à tous les Grecs étonnés le spectacle d’une mort volontaire si fièrement et si courageusement supportée. Sans doute ces événements firent sur l’esprit de Pyrrhon une profonde impression, et déterminèrent, au moins en partie, le cours que ses idées devraient prendre plus tard.

  1. Quel est ce Bryson dont Pyrrhon suivit les leçons ? C’est un point qu’il s’agit d’éclaircir, car il faut savoir s’il y a un lien entre le Pyrrhonisme et l’école de Mégare. Diogène l’appelle fils de Stilpon ; c’est manifestement une erreur, car Stilpon vécut beaucoup plus tard, et eut pour disciple Timon. (Zeller, Die philos. der Griechen, bd. II, p. 213, 3e aufl. 1875.) Suidas (Πύρρων) dit que Bryson était disciple de Clinomaque, ce qui ne s’accorde guère mieux avec la chronologie, et Suidas se contredit lui-même en attribuant ailleurs (Σωϰράτης) d’autres maîtres à Bryson. Deux hypothèses sont possibles ou Pyrrhon n’était pas disciple de Bryson, ou Bryson n’était pas fils de Stilpon. Zeller (bd. IV, p. 481, 3° aufl. 1880) penche pour la première nous inclinons vers la seconde. Pyrrhon a eu certainement pour maître un Bryson. Diogène l’atteste, et Suidas le répète à deux reprises. Mais il résulte du texte de Suidas (Σωϰράτης) que le Bryson dont il s’agit était non le fils de Stilpon, mais un disciple de Socrate, ou suivant d’autre, d’Euclide de Mégare. Σωϰράτης… φιλοσόφους ἐιργάσατο… Βρύσωνα Ἡραϰλεώτην ὅς τὴν ἐριστιϰὴν διαλεϰτιϰὴν εἰστὴγαγε μετὰ Εὐϰλείδου… τίνες δὲ Βρύσωνα οὐ Σωϰράτους ἀλλ' Εὐϰλείδου ἀϰροατὴν γράφουσι, τοὺτου δὲ ϰαὶ Πύρρων ἠϰροάσατο. C’est sans doute le même Bryson dont parle Aristote, qui avait trouvé la quadrature du cercle et qui est appelé un sophiste. (Arist. Rh. III, 2, 13.) De anim. histor. VI, 5, IX, 11. De sophist. elen. XI, 3, — XI, 26. Cf. Ravaisson, Essai sur la métaphysique d’Aristote. t. II, p. 74, Paris, Joubert, 1846.
  2. Diog. IX, 61-67. Aristoclès ap. Euseb. prép. Évang. XIV, 18, 27. Outre Bryson et Anaxarque on compte quelquefois Menédème parmi les maîtres de Pyrrhon. (Ch. Waddington, Pyrrhon et le Pyrrhonisme, dans les séances et travaux de l’Acad. des Sc. morales et politiques, 1876, p. 85, 406, 646.) Mais il résulte d’un texte de Diogène (11, 141) que Menédème vivait encore au temps de la bataille de Lysimachie (278 av. J.-C.) et il mourut à 74 ans : il était donc plus jeune que Pyrrhon d’environ 13 ans. Cf. Suidas (art. Ἄρατος.) Il est vrai qu’on lit dans Suidas (art. Σωϰράτης) :… Φαίδωνα Ἠλεῖον ϰαὶ αὐτν ἰδίαόν συστήσαντα σχόλην τὴν Ἠλειαϰὴν ἀπ' αὐτου ϰληθεῖσαν ὕστερον δὲ αὕτη Ἐρετριαϰὴ ἐχλήθη, Μενεδήμου εἰς Ἐρέτριαν διδάξαντος· ἐϰ τούτου δὲ τοῦ διδασϰάλου ὁ Πύρρων γέγονεν.. On pourrait à la rigueur rapporter ἐϰ τούτου δὲ τοῦ διδασϰάλου à Phédon mais ce passage unique ne semble pas satisfaisant pour compter ni Phédon, ni Ménédème au nombre des maîtres de Pyrrhon.
  3. Diog. IX, 61, 67, Sext. M. 1, 282. Plut. De Alex. fort. I. 10.
  4. Plut., Vit. Alex., LXIX.