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cifique, doit être objectif (self-transcendant) ; il doit connaître une réalité. Mais qu’est-ce qu’une réalité ? Quelle est la garantie que nous puissions appeler quelque chose de ce nom ? Il n’y a qu’une réponse : c’est la foi du psychologue, du critique. Toute science fait un certain nombre d’hypothèses. — L’auteur discute l’objection des partisans de Berkeley et de Reid qui demanderont comment une réalité peut ressembler à un état de conscience, et il se place, pour le faire, sur le terrain du réalisme. Il conclut sa discussion en ces termes : « Une perception connaît toute réalité sur laquelle elle agit directement ou indirectement et à laquelle elle ressemble. Une pensée connaît une réalité qui actuellement ou potentiellement se résout en une perception qui agit sur cette réalité ou lui ressemble. » Les sensations, que certains penseurs méprisent, sont le terminus a quo et le terminus ad quem de l’esprit. Ce sont elles qui mettent fin à toute discussion. Les discussions métaphysiques n’ont pas de terme, parce qu’elles n’ont pas d’issue pratique vers une sensation. Les théories scientifiques au contraire peuvent toujours aboutir à des perceptions définies.

Hutchinson Stirling. Kant n’a pas répondu à Hume (2e  et dernier article). L’auteur pose trois questions : 1o  Kant a-t-il bien compris ce que dit Hume sur le caractère nécessaire de la causalité ? 2o  A-t-il bien montré que sa réponse est insufisante ? 3o  Y a-t-il bien répondu lui-même ? — Sur les deux premiers points, il n’y a pas à hésiter pour l’affirmative. Sur le troisième, il n’y a pas à hésiter pour la négative. — En somme si tout ce qu’a dit Kant « avait été présenté en français ordinaire à des Français ou en anglais ordinaire à des Anglais, et donné comme une simple réponse à Hume, on l’aurait vue dans toute sa nudité et la Critique de la raison pure, au lieu d’être l’étonnement du monde et de faire date dans l’histoire de la philosophie, n’aurait provoqué que le sourire comme une superfluité ou un échec ».

Calderwood. Une autre vue du dernier ouvrage de Green. (Pour l’analyse de cet ouvrage voir le numéro de janvier dernier de la Revue.) L’auteur fait remarquer le caractère hégélien des Prolegomena to Ethics, quoique le nom de Hegel n’y soit jamais prononcé ni sa méthode dialectique suivie et que Kant au contraire y soit constamment loué ou critiqué. Green a aussi essayé, autant que possible, de mettre sa morale d’accord avec l’utilitarisme et la doctrine de l’évolution.

Punnett. Alternatives morales. La valeur de cet article repose en grande partie sur cette hypothèse préalable que l’intérêt de la société et celui des individus sont en antagonisme. En s’appuyant sur un grand nombre de faits actuels, l’auteur critique très vivement la doctrine de Stuart Mill qui donne pour but à la morale la recherche du bonheur du plus grand nombre. Pour lui, l’idéal de la morale doit être placé dans l’idée de progrès. C’est cette idée qui est la fin morale, le critérium du bien et du mal dans la conduite, quoique cette hypothèse ne soit d’ailleurs nullement en désaccord avec celle qui admet