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notes et discussions

De là il résulte, comme M. Séailles l’a bien fait observer, que l’idée de cause, qui, pour Maine de Biran, est le grand principe de l’explication des choses, n’est pour Hume qu’une source d’illusions. — Sur ce point encore, pas de contestation possible.

Mais, ceci accordé, nous maintenons qu’il est un cas unique où, d’après Hume, nous prenons sur le fait la causalité, c’est a dire la détermination et la connexion nécessaire des phénomènes.

M. Séailles reconnaît l’exactitude de notre analyse, qui suit en effet pas à pas le chapitre du Traité de la Nature humaine, qui a pour titre De l’idée de connexion nécessaire. (De l’entendement, IIIe partie, section XIV.)

Nous avons une idée réelle de la causalité c’est l’idée de la détermination et de la connexion nécessaire.

Toute idée réelle doit dériver d’une impression dont elle est la copie affaiblie.

Quelle est l’impression originale qui sert de type à l’idée de cause ?

Cette impression n’est donnée dans la représentation d’aucun objet ni d’aucune succession objective.

La répétition des successions ne découvre ni ne produit rien de nouveau dans les objets.

Mais elle produit dans le sujet une habitude déterminante, « un penchant » qui fait que « nous pensons nécessairement un objet à la suite d’un autre. »

Nous avons le sentiment de cette habitude, de ce penchant ; de cette nécessité ; ce sentiment est l’original, que nous cherchons, de l’idée de cause.

M. Séailles convient de tout cela. « Oui, dit-il, Hume attribue à l’habitude déterminante, à la nécessité que sent l’esprit, après une conjonction constante de deux phénomènes, de passer de l’un à l’autre, l’origine de l’idée d’efficacité, de pouvoir, que nous ajoutons à cette conjonction constante, et qui caractérise l’idée de causalité »

« Mais, ajoute-t-il, ce qui résume de cette détermination de l’esprit, ce n’est pas la prise sur le fait de la causalité elle-même, c’est une simple illusion subjective. »

Ici nous avouons ne plus comprendre. Que l’impression qui fournit la matière de l’idée de causalité soit l’occasion d’une illusion, quand nous en faisons l’application aux phénomènes représentés par les idées, nous

    que les phénomènes sont, pour l’esprit qui les considère et les analyse, absolument décousus et détachés les uns des autres. Mais Hume affirmerait-il positivement qu’en fait, ils sont réellement décousus et détaches les uns des antres ? Soutiendrait-il que les conjonctions régulières constatées par l’expérience sont dues uniquement au hasard ? Repousserait-il l’idée de Mill qu’il y a dans la nature des antécédents inconditionnels, c’est-à-dire nécessaires et suffisants, nécessités et nécessitants ? Cela ne nous est pas bien démontré. Et voilà pourquoi nous avons cru pouvoir dire que Hume, tout en déclarant la causalité en général absolument inintelligible, ne nie pas absolument l’existence de la causalité.