Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 19.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
23
A. BINET et CH. FÉRÉ. — l’hypnotisme chez les hystériques

un abcès tubéreux de l’aisselle dans ces circonstances. Cette anesthésie sensitive peut être transférée.

Anesthésies sensorielles. Ce genre d’anesthésie se produit lorsqu’on inculque au sujet l’idée qu’il a perdu l’usage d’un de ses sens, de la vue, par exemple. On rend ainsi le sujet aveugle, par suggestion : le mécanisme du phénomène est incompréhensible, mais le fait lui-même est bien connu. Quand l’anesthésie sensorielle est unilatérale, on peut la transférer de l’autre côté, exactement comme quand il s’agit de l’anesthésie spontanée des hystériques. Il est possible de restreindre, de localiser cette anesthésie sensorielle, comme on l’a fait pour l’anesthésie sensitive ; au lieu de supprimer totalement la vision d’un œil, on peut produire une simple lacune du champ visuel, un scotome. Ce trouble de la sensibilité peut être transféré comme tous les autres.

Les paralysies systématiques de la sensibilité correspondent aux phénomènes que M. Bernheim appelle des hallucinations négatives. Le nom est singulièrement mal choisi, car il ne s’agit pas d’hallucinations du tout. On ne peut bien comprendre la nature de ce trouble sensitif qu’en le comparant aux paralysies systématiques du mouvement ces dernières paralysies consistent, comme on l’a vu, dans la perte de mouvements spéciaux, comme l’acte d’écrire, de broder, perte qui, d’ailleurs, n’empêche pas la conservation des mouvements d’un autre genre. La pathologie nous offre un exemple des paralysies systématisées dans l’agraphie. De même, l’anesthésie systématique supprime la perception d’un objet déterminé, et laisse intacte la perception de tous les autres objets. Ainsi, on donne à l’hypnotique la suggestion qu’une fois réveillée, elle ne percevra plus une des personnes qui assistent à l’expérience. On la réveille, et alors on constate qu’en effet, la personne est devenue complètement invisible pour la malade. Suivant la manière dont la suggestion a été donnée, le sujet peut rester en rapport avec la personne par l’un quelconque de ses sens, comme l’ouïe ou le toucher, ou bien la suppression peut être complète et porter sur tous les sens à la fois. Dans tous les cas, la vision des autres personnes et de tous les objets en général continue à se faire selon la règle normale. L’œil de la malade est dans le même état fonctionnel que son bras, lorsqu’on lui a fait perdre la faculté d’exécuter un mouvement particulier, tout en respectant les autres mouvements. Il s’agit pour l’œil comme pour le bras d’un phénomène d’inhibition qui produit une paralysie systématique. Voilà le rapprochement qu’il faut faire, la comparaison qui est instructive.

Nommer ces anesthésies des hallucinations négatives, c’est non