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A. BINET et CH. FÉRÉ. — l’hypnotisme chez les hystériques

On croyait jusqu’ici que l’aimant avait seulement prise sur des anesthésies, des paralysies, des contractures ou des mouvements convulsifs ; comme ces phénomènes ne se rencontrent que dans des états pathologiques déterminés, il en résultait que le nombre des sujets qu’on pouvait soumettre à l’action de l’aimant était très restreint. Mais si tout le monde n’est pas atteint de paralysies ou de contractures, tout le monde peut accomplir un acte volontaire. On aura donc le moyen de faire des expériences sur une grande échelle ; et, à cette occasion, une foule de questions nouvelles se poseront : quels sont les individus sensibles à l’aimant, quel est le symptôme révélateur de cette sensibilité, etc., etc.

Sir William Thomson rapporte que Lord Lindsay ayant placé une tête humaine entre les deux pôles d’un électro-aimant extrêmement puissant, l’expérience eut un résultat vraiment merveilleux, et le merveilleux de la chose fut qu’il n’y eut aucun effet perceptible Le physicien anglais se refuse à croire que le milieu qui produit un prodigieux effet sur un morceau de métal soit sans aucune influence perceptible sur le corps vivant. Nous sommes absolument de cet avis ; l’expérience mérite d’être reprise et variée de mille façons ; elle donnera certainement des résultats du plus grand intérêt.

Nous en doutons d’autant moins que nous avons pu répéter sur un de nos sujets, à l’état de veille, toutes les expériences du transfert dans lesquelles nous avions fait d’abord intervenir la suggestion. En voici quelques-unes, à titre de curiosité. Nous rappelons encore une fois que l’aimant est caché sous un linge ; il est invisible et présent. Toutes les fois qu’à l’insu du sujet on l’enlève, ou qu’on en tourne les pôles dans un mauvais sens, le transfert ne se produit pas, ce qui nous paraît assez concluant.

Wit… est éveillée. Nous la prions de vouloir bien nous tendre la main droite, quand nous le lui demanderons. Elle y consent. L’aimant est appliqué à droite. Quelques minutes s’écoulent. Nous lui demandons alors de nous donner une poignée de main ; elle dit qu’ « elle aime mieux tendre la main gauche », c’est ce qu’elle fait. On retire l’aimant : au bout de quelques instants, elle tend la droite.

Nous prions le même sujet de dire à haute voix, au bout de quelques minutes, quand nous frapperons sur le fauteuil : « Voici Monsieur Charcot ! » L’aimant est appliqué à droite. Nous donnons le signal. La malade nous regarde avec étonnement : elle ne se souvient de rien, elle est triste, et dit tout à coup : « II me semble que je perds la mémoire », elle cesse même tout à fait de parler. Nous