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A. BINET et CH. FÉRÉ. — l’hypnotisme chez les hystériques

rence de la volonté et de la liberté, mais qui sont réellement volontaires et libres, au sens vulgaire du mot. En effet, on peut faire du transfert en dehors du sommeil et de la suggestion. On prie simplement le sujet d’accomplir tel acte, et par l’application de l’aimant, on le force, sans qu’il en ait conscience, à accomplir un second acte, symétrique du premier. Voici l’expérience sans plus de commentaires.

Wit… est complètement éveillée, on ne l’a pas endormie depuis plusieurs jours. Nous la prions de s’appuyer avec le coude droit sur une table, à proximité d’un aimant dissimulé. Elle nous demande pourquoi ; nous prenons comme prétexte que nous voulons faire son portrait. Elle y consent. Au bout de deux ou trois minutes, elle ramène son coude droit près du corps ; elle dit qu’elle est fatiguée, qu’elle a le bras engourdi. Pendant un instant, elle est indécise, regarde à droite et à gauche. Nous lui disons de reprendre la pose, elle répond qu’elle l’a oubliée ; une minute après, elle s’accoude avec le bras gauche sur une chaise qu’elle a approchée, dans une pose qui est symétrique de la première. En retirant l’aimant, on observe des oscillations consécutives.

Nous sommes ici en présence d’un acte absolument volontaire. Wit… s’accoude sur la table parce que nous l’en avons priée et parce qu’elle y a consenti ; avant de céder à notre demande, elle a voulu en connaître le motif : elle agit donc avec la pleine conscience de ses actes. Ajoutons qu’elle est bien éveillée, et qu’elle ne sort pas d’un état de somnambulisme. Remarquons enfin que si des sujets sont dociles à la suggestion pendant la veille, et exécutent comme des automates les ordres qu’on leur donne, notre malade n’est point sous l’empire d’une influence de ce genre ; nous ne lui avons rien commandé, nous l’avons priée de prendre une pose ; elle nous a demandé pourquoi, nous lui en avons dit le motif ; il n’y a pas plus de suggestion dans son cas que quand un peintre fait poser un de ses modèles. La seule circonstance particulière qui puisse être notée comme facilitant l’expérience, c’est l’état pathologique du sujet : Wit… est atteinte d’hystéro-épilepsie, elle a été fréquemment soumise à des expériences d’hypnotisme ; il est probable que l’état de son système nerveux favorise à un degré élevé l’action de l’aimant.

Le premier acte que le sujet accomplit est volontaire, disons-nous mais lorsqu’on le soumet à l’aimant, le second acte est déterminé par l’action de l’œsthésiogène. Wit… s’accoude volontairement du côté droite mais quelques minutes après, quand elle s’accoude du côté gauche, c’est par le fait du transfert. Ces deux