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A. BINET et CH. FÉRÉ. — l’hypnotisme chez les hystériques

la malade est réveillée. Un aimant est appliqué à proximité de son avant-bras droit. Au bout de quelques secondes, Wit… se plaint de douleurs dans la région pariétale droite, ces douleurs lui traversent la tête et passent dans la même région à gauche. Au bout d’une minute, nous lui présentons la clef ; elle la prend de la main gauche ; part, arrive à la commode, essaye d’ouvrir avec la main droite, n’y parvient pas, recourt à la main gauche qui ouvre le tiroir ; pour prendre la boîte, même manège : elle avance tantôt la main droite, tantôt la main gauche, finalement elle se sert de la main gauche ; puis elle referme le tiroir, après la même hésitation, avec la main gauche ; revient avec la boîte, s’arrête devant M. B., lui dit : « Tenez. monsieur, je vous donne cette boite » et lui tend la boite de la main gauche.

Nous recommençons une seconde fois la même expérience, en ayant soin d’attendre cinq minutes environ avant de présenter la clef, de façon à permettre au transfert de s’opérer plus complètement. Alors la malade, sans ombre d’hésitation, prend la clef de la main gauche, ouvre le tiroir de la main gauche, prend la boite de la main gauche, referme de la main gauche, donne la boite à M. B. de la main gauche. À aucun moment la main droite n’intervient.

Nous avons ici un transfert d’un ordre particulier ; il s’agit d’une résolution d’agir, d’un acte qui est en quelque sorte en puissance dans les cellules cérébrales de la malade ; cet acte virtuel est susceptible d’être transféré exactement comme l’acte qui s’accomplit actuellement. preuve évidente qu’il a pareillement un substratum matériel.

De plus, nous attirerons l’attention sur le phénomène de la douleur qui accompagne le transfert ; cette douleur n’est pas diffuse, elle a un siège fixe, et d’après le point que la malade indique, et les notions de topographie cranio-cérébrales établies antérieurement par l’un de nous, il résulte que cette douleur est localisée dans les circonvolutions ascendantes, dans les centres moteurs des membres. On se rappelle sans doute que la douleur qui accompagne le transfert d’un acte a la même localisation. Cette ressemblance semblerait montrer que la résolution d’accomplir un acte avec tel membre, avec le bras droit par exemple, correspond à un processus physiologique qui a le même siège que le mouvement du bras. L’acte en puissance, — et une résolution d’agir n’est pas autre chose, — parait avoir le même centre cérébral que l’acte qui se réalise. Il est bien entendu que nous donnons cette interprétation avec beaucoup de réserves ; c’est une simple hypothèse[1]

  1. M. Charlton Bastian a émis une idée analogue sur la nature des centres