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antérieures. Beaucoup de notes çà et là et des morceaux donnés en appendice montrent que l’auteur n’a rien négligé sciemment de ce qui touchait à son sujet et pouvait ou en relever l’intérêt, ou en faire sentir la grandeur. Nous recommandons surtout, à cet égard, les pages remarquables de MM. Zaneiti et Afred Espinas sur les rapports de la famille et de la société dans les sociétés animales, et l’excellent chapitre final dans lequel M. Giraud-Teulon, discutant les vues de ces écrivains, les déclare inapplicables, selon lui, à l’évolution des sociétés humaines.

Nous ne sommes pas sûr, à la vérité, que l’opinion qu’il combat soit inconciliable avec la sienne propre autant qu’il paraît le croire. Il ne conteste pas, en effet, qu’il n’y ait un certain antagonisme entre la famille étroitement close, ayant ses intérêts plus ou moins exclusifs, et l’unité du groupe social, comme l’affirment MM. Zanetti et Espinas. De leur côté, ils ne nient pas, que je sache, que la famille exclusive et jalouse ait pour antécédent, du moins dans certaines espèces, un état de promiscuité. Ii semble donc, au premier abord, qu’entre eux et leur critique, il y ait une sorte de malentendu. Il tient à ce que les uns ne conçoivent la famille que comme l’association particulière, égoïste, d’un mâle avec sa femelle et sa progéniture ; tandis que l’autre veut déjà donner ce nom de famille à la horde promisque tout entière, du moment qu’elle n’est qu’une « réunion naturelle de consanguins » : c’est ce qu’il appelle « la famille communiste ». On comprend dès lors que celui-ci voie dans la famille la base première de toute société, pendant que ses adversaires inclinent plutôt à voir une antithèse entre la société et les familles, qui, disent-ils, en se formant et s’isolant dans son sein, menacent de la dissoudre. En réalité, ils ne parlent pas d’une même chose, quoiqu’ils se servent du même mot, et je ne sais trop si les habitudes de la langue donneraient raison à M. Giraud-Teulon.

Mais où il a raison, selon nous, et raison en termes qui seraient remarquables, si la forme était aussi élégante que la pensée est ferme, c’est dans la fin de ce même chapitre sur La Famille et la Société : Considérant « que dans l’humanité, l’idée de famille (famille communiste) semble avoir été le fait primaire et avoir précédé l’idée de société » [nous aimerions mieux dire s’être identifiée à l’origine avec l’idée de société], et que la société a progressé à mesure que la famille s’est améliorée, « en rompant graduellement avec le mode communiste de possession des biens », il conclut, non seulement que Vidée de famille est la plus ancienne des deux et la plus fondamentale, ce qui n’est peut-être pas évident même dans le sens où il l’entend, mais aussi et surtout, ce qui est d’une bien autre importance, qu’il ne saurait y avoir d’antagonisme entre ces deux facteurs de la civilisation, la famille et la société. La page suivante, qui est une des dernières, donnera une idée très nette de l’esprit qui anime l’ouvrage et des conclusions de l’auteur.

« En admettant, ainsi que nous le faisons, qu’à l’origine le sens social