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paulhan. — croyance et volonté

gument en faveur de la relativité de la connaissance. Au point de vue psychologique, on ne peut pas en tirer grand chose, elle ne peut pas même servir à établir une différence entre la croyance et l’idée. Tout au plus peut-on y trouver une occasion de reconnaître l’uniformité des procédés fondamentaux et généraux de l’esprit. M. Ribot avait déjà fait remarquer dans son ouvrage sur les Maladies de la volonté[1], que, « considérée comme état de conscience, la volition n’est rien de plus qu’une affirmation (ou une négation). Elle est analogue au jugement, avec cette différence que l’un exprime un rapport de convenance (ou de disconvenance) entre des idées, l’autre les mêmes rapports entre des tendances… »

On pourrait rechercher s’il n’y a pas d’autre manière d’entendre la proposition que j’examine ici. Il ne me le semble pas, à moins qu’on n’en vienne au libre arbitre. En disant que la croyance est volontaire, on ne peut vouloir dire qu’elle est soumise à nos fantaisies, et que nous pouvons croire toujours ce que nous désirerons croire. « Dire que croire c’est vouloir, dit M. Brochard, ce n’est pas dire qu’on croit ce qu’on veut. » On ne peut soutenir non plus, comme nous l’avons vu, cette assertion que la croyance est volontaire, signifie qu’elle doit être précédée d’une délibération. Je ne vois, par conséquent, d’autre opinion acceptable que celle que j’ai indiquée déjà, — à moins qu’on ne fasse intervenir le libre arbitre et l’indéterminisme ; — alors, mais alors seulement la théorie de la croyance volontaire engendre des conséquences philosophiques importantes, elle se rattache à la théorie morale du criticisme qui est, à mon avis, le point faible des doctrines soutenues avec tant de talent par M. Renouvier. Nous n’entrons pas dans cette discussion. Les lecteurs de la Revue ont présents à la mémoire les travaux de M. Fouillée sur ce sujet. Ils me paraissent, sur bien des points, décisifs.

Peut-être est-il bon d’examiner un peu plus la théorie de la volonté étendue à tous les phénomènes de l’esprit, et de montrer qu’elle est bien plus acceptable qu’on ne le pense en général. Nous avons vu que les actes et les croyances, quoique préparés par les circonstances, sont acceptés par l’organisme psycho-physiologique de l’homme. On voit facilement qu’il en est de même pour les sensations. La part de réaction individuelle dans la sensation est bien évidente, parce que, s’il n’y avait pas d’organisme il n’y aurait ni sensation, ni aucun phénomène organique, cela est trop clair et suffit bien à prouver la relativité de tous les phénomènes et leur accepta-

  1. Les Maladies de la Volonté, p. 29.