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important n’est pas tant la forme mythique qu’il a employée que le fait qu’il en a employé une.

Cet anthropomorphisme poétique avait été le premier procédé par lequel l’esprit aryen, prenant conscience de lui-même, avait essayé de distinguer de la matière des choses les forces qui les actionnent ; aux débuts de la science hellène, il sert encore au même usage, et bien qu’il soit désormais incapable de donner la vie à la moindre divinité, bien qu’il se réduise à un froid symbolisme, l’école pythagorienne lui restera obstinément et inutilement fidèle. Mais, sous ce symbolisme, l’historien ne peut méconnaître que pour la première fois[1] le dynamisme est formulé et qu’il est en fait aussi caractérisé qu’il le sera bientôt chez Anaxagore.

Il ne me semble pas utile de m’arrêter davantage sur ce point, où Parménide se sépare si évidemment de la tradition d’Anaximandre. J’arrive à l’autre divergence, moins remarquée, mais également caractéristique.

Le peu que nous savons des premiers Ioniens nous permet de constater qu’ils jugeaient du jour et de la nuit comme le vulgaire l’a toujours fait avec raison, qu’ils attribuaient l’un à la présence du soleil au-dessus de l’horizon, l’autre à son absence. Chez Parménide, nous avons rencontré une conception passablement singulière, quoiqu’elle puisse se relier à sa théorie de la perception du semblable par le semblable.

L’atmosphère qui nous environne pendant le jour (couronne ignée) est lumineuse par elle-même ; il ne faut pas entendre qu’elle reçoit son éclairement du soleil, mais que, par une sorte d’attraction ou d’harmonie préétablie, elle se déplace en le suivant dans sa course, se tournant toujours vers la splendeur d’Hélios, absolument comme le fait, suivant Parménide, la face lumineuse de la lune. La présence du soleil au-dessus de l’horizon est donc par rapport au jour une circonstance concomitante ; ce n’est pas une cause.

On ne peut s’empêcher de remarquer que des conceptions analogues ne se rencontrent que chez Empédocle et chez Philolaos ; on

  1. Jusque-là, chez les Ioniens, la confusion existe, et les distinctions de tendances que Ritter a voulu établir au sein de l’hylozoïsme ne sont nullement justifiées. Heraclite est, parmi eux, le premier où la tendance dynamiste se marque, et il est à remarquer que comme Pythagore, au fond, il est théologue. Quant au véritable mécanisme, il ne fut posé que comme négation du dynamisme déjà affirmé ; il date de l’école atomique. Il esta noter que le pythagorien Ecphante qui adopta la physique de cette école, preuve entre autres, que les pythagoriens n’avaient point de physique qui leur fût réellement propre, qui représentât l’enseignement ésotérique du maître, conserve le principe du dynamisme comme cause du mouvement (Hippolyti philosoph., 15).