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TANNERY. — la physique de parménide

De même, la dernière couronne qui enveloppe le noyau central, et que Stobée dit également ignée, n’est certainement pas non plus de feu pur ; cette couronne ne peut être que notre atmosphère, ou du moins sa partie lumineuse (éclairée)[1] puisque Parménide compte l’air obscur comme faisant partie de l’élément dense.

Les couronnes intermédiaires, mixtes des deux éléments, comme les autres, mais où la lumière a moins de prédominance, doivent correspondre, à partir de la terre, aux orbites de la lune, du soleil et des cinq planètes[2] ; car, quoique Parménide semble n’avoir parlé expressément que de Vénus, les autres planètes qu’Anaximandre n’avait pas distinguées des étoiles devaient sans doute être également connues des premiers pythagoriens ; le progrès de la science avait donc dû conduire à compléter les trois anneaux du Milésien.

Il avait également entraîné une interversion dans l’ordre des anneaux, car on sait qu’Anaximandre regardait celui de la voie lactée comme le plus voisin de la terre. D’après une donnée de Stobée (I, 24, 1), Parménide aurait conservé cet ordre ; il aurait placé au plus loin de la terre, Vénus dans l’éther, en dessous le soleil, puis les astres dans la région ignée, qu’il appelait οὐρανὸς ; mais cet ordre a été faussement conclu de l’interprétation rigoureuse, donnée à tort par la source de Stobée aux termes d’Ether et d’Ouranos.

Le progrès de la science a consisté ici dans une réflexion plus approfondie sur les mouvements des corps célestes, qu’en fait Anaximandre n’avait nullement expliqués. Nous voyons Alcméon (Placita, II, 16) poser la révolution des planètes comme s’effectuant d’occident en orient à l’opposite du mouvement des fixes. Il y a là un pas immense qu’il faut sans doute attribuer à Pythagore ; le mouvement apparent des astres errants est résolu en ses deux composantes, la révolution diurne commune à tout le ciel, et le mouvement propre beaucoup plus simple que l’apparent. Après cette première conquête, les autres viendront en leur temps, la route est frayée.

Cette conception devait avoir une conséquence immédiate pour l’ordre des astres ; il convenait évidemment de ranger les planètes suivant l’ordre de vitesse de leur mouvement propre, et de placer la plus lente au plus près du ciel des fixes. La lune[3] étant supposée

  1. Je reviendrai un peu plus loin sur ce point, où Parménide s’écarte d’Anaximandre.
  2. Peut-être, d’après le vers 127, faut-il admettre l’intercalation de couronnes entièrement obscures.
  3. Si Parménide a dit (Placita, II, 26) que la lune était égale au soleil, cela doit s’entendre seulement de l’apparence ; je ne puis comprendre l’opinion de Karsten, rapportée par Ed. Zeller (trad. Boutroux, II, 60, 4) que le mot « égal »