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peur d’être salie, elle passait la majeure partie des journées enfermée dans sa chambre. L’angoisse causée par ces idées et ces besoins irrésistibles, dont la malade reconnaissait parfaitement l’absurdité, s’accrut bientôt par les doutes qu’elle concevait de ne pas s’être lavée, de n’avoir pas bien fermé les portes ou les tiroirs ; ces doutes augmentèrent au point qu’elle ne voulait plus croire ses propres yeux, ni le témoignage de ses parents, qui, en résistant à ses volontés, lui paraissaient devenir ses ennemis. Dans une relation écrite de sa main, la malade a dépeint en termes éloquents l’angoisse terrible qui pesait sur elle. À son entrée à l’asile, elle présente une coloration pâle, anémique, une sensibilité et une motilité normales : un sens olfactif très développé, absence d’hallucinations et d’illusions, un fréquent sentiment de froid général, un sentiment d’angoisse à l’épigastre, de la céphalée, phénomènes qui, de même que les troubles psychiques, augmentent aux époques menstruelles ; de l’inappétence, des fonctions intestinales irrégulières, une absence de sécrétion de la sueur ; de l’insomnie ; une conscience entière de son propre état et de l’absurdité de ses idées et de ses actes, qu’elle analyse avec un jugement très sûr et très fin ; à l’examen psychométrique, intégrité parfaite des fonctions perceptives.

Soumise à un traitement tonique reconstituant (bromure, hydrothérapie) et à un oubli graduel de ses habitudes, à une privation progressive de l’eau nécessaire pour se laver les mains, la malade s’améliora au point de vue tant physique que mental, au point de pouvoir quitter après six mois l’asile, débarrassée de ses craintes et de ses tendances morbides.

Mais peu après, étant retournée dans sa famille, les craintes et les actes impulsifs reparurent, et la malade retomba finalement dans un état encore plus grave qu’auparavant.

L’auteur montre que cette forme morbide n’est autre que la folie du doute avec délire du toucher, décrite dès 1875 par Legrand du Saulle, et avant lui par Falret père et fils, et qui rentre dans le groupe des idées fixes et irrésistibles (Zwangvorstellungen), si bien étudiées par les aliénistes allemands. L’auteur croit pouvoir répartir en trois groupes les nombreuses variétés cliniques de cette psychose :

1o . Idées fixes simples, en forme de demandes, de doutes, de calculs dans lesquels le processus morbide se passe tout entier dans le champ intellectuel (folie du doute, folie métaphysique, folie du calcul, etc.).

2o  Idées fixes accompagnées d’un sentiment de peur (peur d’être souillé par un contact, peur de se mouvoir, peur de sortir de la maison, de traverser une route, etc.), état dans lequel les idées fixes sont accompagnées d’une émotion et dans lequel les actes impulsifs sont l’effet direct et nécessaire des idées (misophobie, claustrophobie, agoraphobie, etc.).

3o  Idées fixes impulsives (actes graves, quelquefois homicides), état dans lequel l’idée fixe consiste essentiellement dans le besoin irrésistible et cependant conscient d’exécuter un certain acte, sans aucun