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fait revivre sa compagne inséparable, c’est-à-dire l’image d’une sensation musculaire distincte et précise qui donne à l’autre un signe distinctif de localisation. Le jugement localisateur consiste donc dans l’adjonction à la sensation de certaines images visuelles, tactiles et musculaires ; 3o  La théorie de Delbœuf. Selon lui, c’est la motilité qui nous fournit la représentation d’espace. Pour qu’une perception ait lieu, il faut que l’animal distingue dans la sensation ce qui vient de lui et ce qui vient de l’extérieur ; il peut acquérir la première idée au moyen d’un mouvement volontaire. Les notions de mouvement, d’espace, de temps, etc., dépendent uniquement du sentiment de l’effort ; l’animal voyant qu’un de ses efforts est suivi d’une sensation positive et négative dans le sens de l’effort, et que, si le corps est mobile et se détache de lui, il sent une diminution non voulue de pression, sent que dans le premier cas il se meut, et que dans le second le corps se meut : le mouvement n’est donc pour lui que la manifestation sensible de l’emploi de sa force. La distance est appréciée par le mouvement nécessaire à la parcourir, la direction par la position du point affecté relativement au corps de l’animal ; la situation dérive de la combinaison des notions de distance et de direction ; l’espace est la synthèse des situations et des lieux possibles. De l’association entre le mouvement et une sensation naît donc la représentation d’espace.

III. Les théories psychophysiologiques de la localisation des sensations : 1° La théorie des signes locaux de Lotze. Les « signes locaux » naissent de mouvements nerveux provoqués aux points où se produit l’excitation ; ils ne consistent pas dans ces mouvements psychiques, mais dans les affections psychologiques qui en dérivent. Ils doivent leur origine à ce fait que deux points de la peau et de la rétine, non tant par leur propre structure que par leurs relations avec des éléments voisins, diffèrent entre eux et modifient le mouvement qui leur est imprimé par la même excitation. Grâce aux caractères distincts des sensations qui en résultent, l’âme, qui possède en elle-même une faculté de percevoir les perceptions sous la forme de l’espace, assigne à chaque sensation sa position déterminée par rapport à l’objet qui en est la cause. — 2o  La théorie de l’onde réflexe, de Sergi. L’excitation périphérique produite dans les organes des sens (de tous sans exception) chemine vers les régions encéphaliques ; mais si le processus physiologique se bornait là, la localisation n’aurait pas lieu, parce que l’organe central ne peut donner connaissance de l’événement rapportable à l’extérieur quand il cesse d’être en communication avec ce dernier. Il faut donc que l’onde nerveuse se réfléchisse à la périphérie ; elle y est repoussée, en partie par la résistance des couches centrales, et retourne à la périphérie par la voie déjà parcourue. Ainsi l’organe central communique avec l’organe et avec la force externes, et l’onde d’excitation réfléchie tend à faire sortir du sujet l’excitation produite, à la répandre au dehors et à la localiser.

IV. Théories psychophysiologiques de la localisation dans l’espace :