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donnée, il faut : 1o  avoir une notion de l’espace, c’est-à-dire du Non-moi étendu au delà du Moi ; 2o  savoir déterminer une position dans l’espace, c’est-à-dire savoir distinguer et déterminer les parties de ce Non-moi étendu ; 3o  pouvoir distinguer les sensations contemporaines, non seulement dans leur intensité, mais aussi dans leur qualité et modalité ; 4o  finalement déterminer la position dans l’espace de toute sensation distincte. C’est pourquoi le problème de la localisation dans l’espace ; se scinde en quatre problèmes, qui sont : 1o  celui de la notion d’espace ; 2o  celui de la détermination de la position dans l’espace ; 3o  celui de la distinction des sensations ; 4o  celui de la localisation des sensations. Pour donner une explication complète de la localisation dans l’espace, il faut résoudre ces problèmes spéciaux et montrer les facteurs psychologiques et physiologiques de tous les processus secondaires. Notre but est de donner une exposition critique des diverses théories relatives cette localisation et de voir si elles ont résolu les différents problèmes qui s’y rattachent » (p. 6).

La première partie de ce travail contient l’exposition critique des théories nativistes, c’est-à-dire de toutes celles qui tiennent le processus de la localisation comme originaire et antérieur à l’expérience, et le font dépendre ou de la structure de l’organisme ou d’une forme à priori de la sensibilité. La seconde partie est consacrée aux théories génétiques, qui considèrent cette localisation comme un produit de l’expérience et la font dépendre de processus acquis, psychologiques ou physiologiques. La valeur relative des explications fournies par ces diverses théories est examinée dans la troisième partie.

Première partie. — Les théories nativistes sont : 1o  Le nativisme physiologique de Müller et de Weber. Il admet l’influence de l’expérience. La localisation de la sensation dans l’espace dépend, d’après cette théorie, de la structure innée de l’organisme, des dispositions anatomiques des origines et terminaisons nerveuses, qui, en vertu de l’énergie spécifique des nerfs, conduisent au cerveau des sensations distinctes et s’ordonnant spécialement. — 2o  Le nativisme originaire de Stumpf. La perception d’espace, d’origine psychologique, est un attribut originaire de la sensation. Comme on ne peut se représenter une étendue sans couleur ni une couleur sans étendue, l’espace est originairement perçu comme la qualité : ce ne sont que des contenus partiels indivisibles de toute sensation, possibilités de changements d’un tout en lui-même unitaire. — 3o  Le nativisme originaire de Riehl. La représentation nous est donnée par la vue. Nous devons, en effet, penser comme étendues les sensations lumineuses, et l’étendue est inséparable de la sensation de clair-obscur. L’étendue à deux dimensions nous est fournie par la vue ; elle devient représentation de l’espace, quand nous obtenons, par les mouvements de l’œil et du corps, la représentation temporelle de distance. — 4o  L’apriorisme de Kant. L’espace n’est pas un concept empirique, discursif ou général des rapports des choses, mais une pure intuition, une représentation nécessaire à priori, qui est la