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III

Dr Stricker. Studien ueber die Association des Vorstellungen. In-8o, Vienne, Braumüller, 95 p.

Il ne faudrait pas, à en juger par le titre du troisième essai, croire que M. Stricker se soit proposé une étude complète sur l’association des états de conscience. Plusieurs chapitres reviennent sur des questions déjà traitées par l’auteur et ne sont pas toujours enchaînés suivant une logique bien rigoureuse[1] ; mais la partie importante de ce travail, la seule que nous nous proposions d’exposer, est consacrée à l’idée de l’espace.

L’auteur reconnaît que Kant a eu raison de poser la « représentation de l’espace » comme nécessaire ; mais, en disant que nous ne pouvons nous représenter qu’il n’y ait pas d’espace, il n’a fait qu’exprimer une observation déjà faite en partie par Berkeley : nous ne pouvons nous représenter ni couleur sans étendue ni étendue sans couleur. La formule de Kant peut donc se changer en celle-ci : Je ne peux me représenter le monde extérieur comme ne possédant aucune couleur, comme n’étant ni clair ni obscur à un degré quelconque — Kant a eu également raison de dire que nous ne pouvons pas nous représenter l’espace autrement qu’indéfini, car ce n’est qu’une autre forme de la thèse : Je ne peux pas me représenter qu’il n’y ait pas d’espace. Pour me représenter l’espace comme fini, il me faudrait avant ou après cette représentation en avoir une autre qui ne contiendrait pas d’espace, ce qui, en vertu de l’excitation continue du nerf optique, est impossible. Mais, tout en admettant la thèse de Kant, l’auteur n’en conclut pas « que la représentation d’espace soit donnée avant toute expérience ».

Un grand progrès dans cette question est fait par Herbart, qui le premier, en Allemagne, a pris en considération le fait de l’association. Il a fait remarquer que, lorsque nous percevons l’étendue par la vue ou le toucher, nous remuons l’œil ou le doigt ; que par ce mouvement nous avons une série de représentations successives qui se répètent quand nous remuons l’œil ou le doigt à rebours. Cette succession est si rapide qu’elle nous donne l’impression d’une simultanéité qui est l’espace.

  1. Voici d’ailleurs les titres des chapitres de l’ouvrage : Représentations des mots, du chant et des formes mathématiques. — Représentations du monde extérieur comme complexus des représentations. — Liaison des mots et des complexus. — Formes du travail de la pensée. — La pensée et ses rapports avec les formes de la logique. — Rapport de l’idée de cause et du monde extérieur. — Nature de la recherche historique et de la recherche expérimentale. — Nécessité de la représentation de l’espace. — Son infinité. — L’espace et la théorie de l’association. — Rôle des sensations musculaires dans la représentation de l’étendue. — Vision monoculaire en profondeur. — Différences psychiques entre la vision en profondeur et en superficie. — Comparaison des idées de temps et d’espace. — Idée de nombre. — Nature de la preuve mathématique. — Différence entre les représentations sensorielles et motrices. — Le contrôle de la pensée.