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de ces cœurs d’animaux et à se représenter les mouvements de son cœur, il ne peut le faire qu’avec un sentiment d’innervation des muscles oculaires ou de ceux de la poitrine. La représentation de chaque nouvelle contraction s’accompagne d’un sentiment de mouvement des yeux ou de soulèvement de la cage thoracique.

Les observations précédentes (et nous n’en avons rapporté qu’un petit nombre) tendent toutes à établir la thèse de l’auteur : nécessité d’une fusion entre les sensations visuelles et les sensations musculaires pour percevoir ou se représenter un mouvement. Il en trouve la démonstration expérimentale dans un jouet appelé le stroboscope. Sur un cylindre sont collées douze figures représentant un bonhomme qui saute, pris à diverses phases successives du saut. La première le figure au moment où il va sauter, les onze autres le figurent dans les phases suivantes, en sorte que, si l’on fait tourner le cylindre, le bonhomme apparaît comme sautant toujours à nouveau. La théorie courante explique cette illusion en disant que, grâce au mouvement du cylindre, les diverses phases se fondent en une image unique, en d’autres termes que les images visuelles se fusionnent en une image en mouvement. — L’auteur montre par des expériences détaillées que l’illusion ne se produit que s’il y a en même temps un mouvement des yeux, et l’on ne peut pas objecter que le mouvement des yeux et l’illusion sont une simple coïncidence ; car, dans cette illusion, les seuls éléments mis en jeu sont les nerfs sensitifs, les nerfs moteurs et le centre qui élabore les impressions. Tant que les nerfs moteurs ne concourent pas au phénomène, que les yeux ne se meuvent pas dans le sens déterminé, le centre ne peut transformer en illusion les impressions que lui transmettent les seuls nerfs sensibles (de la vision). Il y a donc deux conditions requises, les perceptions visuelles, les mouvements oculaires. Ce jouet nous démontre donc que les représentations de mouvements ne se produisent que quand les sensations de mouvements musculaires entrent dans l’association.

« Ma nouvelle théorie, dit Stricker, peut donc se formuler ainsi : La représentation de mouvement est un quale qui ne peut être remplacé pour nous par aucune autre qualité sensible. »

La fin de cette monographie est consacrée à des considérations générales sur l’idée de cause qui ne manquent pas d’intérêt, mais qui ne sont pas assez logiquement liées pour être exposées en peu de mots. L’auteur s’attache à montrer que le sens du mot expérience a changé depuis l’époque de Kant, grâce aux travaux des psychophysiciens et des psychologues, et que certains jugements à priori, d’après Kant, sont en réalité des jugements d’expérience (p. 39). Il ramène aussi l’idée d’effet au changement et finalement au mouvement, en sorte que le principe de causalité devrait s’exprimer ainsi : Tout mouvement suppose une cause.