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CORRESPONDANCE



La sélection et l’hérédité chez l’homme.


Monsieur le Directeur,

Je viens vous remercier de l’analyse si bienveillante de mon livre Etudes sur la sélection, que vous avez publiée dans le n° précédent de la Revue philosophique ; je suis heureux de vous voir partager des idées que je crois justes, mais qui ne sont guère, comme vous le dites, au goût du jour. L’idée du progrès de l’humanité n’est pas seulement une théorie historique, elle est devenue le dogme fondamental d’un grand parti politique, celui précisément auquel appartient l’avenir, et presque un article de foi pour la société moderne. Or les questions scientifiques gagnent rarement à passer du cabinet d’étude au Forum. Et d’ailleurs il paraît si naturel et si logique d’admettre que la sélection, qui est l’instrument le plus puissant du progrès dans le monde organique, le soit aussi pour l’homme ! Elle l’a été certainement aux débuts de l’humanité, tant qu’il s’agissait du progrès zoologique ; mais l’est-elle maintenant ? Il n’y a guère de raisons scientifiques pour l’affirmative, et il y en a de très sérieuses pour la négative.

Permettez-moi, monsieur le Directeur, tout en vous remerciant de votre analyse, de vous faire quelques remarques, qui ne sont pas des objections, mais des réponses à certaines de celles que vous me faites. Vous dites très justement que mon ouvrage consiste plutôt en contributions, auxquelles vous voulez bien accorder quelque valeur, pour l’étude de la sélection chez l’homme, qu’en une esquisse générale du sujet. Mais l’Académie de médecine de Madrid n’a pas posé la question de la sélection en général, elle a demandé aux concurrents une étude sur la sélection dans ses rapports avec l’hérédité, c’est-à-dire qu’elle a voulu limiter le sujet. Je me suis mal exprimé sans doute dans ma préface, mais j’avais cru affirmer très nettement que mon ouvrage n’a en aucune façon la prétention d’être un traité sur la sélection, mais que des formes si nombreuses et si variées de la sélection il se borne à n’en examiner que deux, celles auxquelles pouvait s’appliquer avec quelques chances de succès la psychiatrie, mon étude de prédilection. Je me suis donc enfermé exclusivement dans le champ de la médecine mentale, et ceci vous explique aussi pourquoi je n’ai pas