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dans la loi des proportions définies et dans celle des proportions multiples. Lorsque des corps sont mis en présence dans des quantités quelconques, ces corps se combinent toujours dans des proportions déterminées : c’est la loi des proportions définies. Lorsqu’un corps forme avec un autre plusieurs combinaisons, le poids de l’un varie à l’égard du poids de l’autre selon des rapports numériques simples : c’est la loi des proportions multiples. Ces deux affirmations, expérimentalement démontrées, s’expliquent par la pensée que les corps sont formés de parties indivisibles. Du reste, tout essai de synthèse mathématique destinée à rendre compte des phénomènes suppose que les éléments de la matière sont susceptibles d’une expression numérique. On peut donc considérer la théorie atomique comme exprimant un des postulats de la physique moderne. Mais, en admettant que cette théorie soit démontrée, quelle est la nature de l’atome ? Est-il impénétrable, comme on l’admet à l’ordinaire ? n’est-il qu’un centre de force, de manière que plusieurs atomes puissent coïncider en un même lieu, comme Bascovich l’a supposé et comme Faraday a cru pouvoir l’établir par quelques expériences ? Ce sont là des questions non résolues. Ce qui demeure certain, c’est que la divisibilité indéfinie, caractère indéniable du concept de l’espace, ne peut pas s’appliquer à l’élément des corps, dès qu’on considère cet élément comme une unité. La confusion établie par Descartes entre l’idée de l’espace et l’idée de la matière a été l’origine de quelques-unes de ses erreurs.

Les questions philosophiques relatives à la nature des atomes ne sont donc pas résolues. On peut en dire autant des problèmes relatifs à la nature première du mouvement. Pour préciser la question dans un de ses détails, la gravitation est-elle un mouvement primitif ou a-t-elle un antécédent physique, comme Newton l’a supposé et comme bien d’autres l’ont pensé après lui ? C’est ce que nous ne savons pas, dans l’état actuel des recherches.

La physique ne livre donc pas à la science générale une théorie démontrée relativement à la constitution de la matière et au mouvement primitif dont la matière est animée ; mais elle fournit la solution d’une question agitée dans les écoles de philosophie.

On a souvent distingué deux sortes de qualités ou de propriétés de la matière : les qualités dites premières, qui se représentent objectivement, et qui se rattachent à la forme et au mouvement, et les qualités dites secondes, qui sont les causes des sensations diverses désignées sous les noms de son, de couleur, d’odeur, de saveur. La valeur de cette distinction a été contestée. M. Saisset, par exemple, a écrit « La ligne de démarcation tracée diversement par Des-