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tre en doute l’efficace spontanéité de l’esprit et par suite à la liaison nécessaire des idées.

La théorie soutenue par l’auteur est celle-ci : au lieu de considérer l’organisation comme une agrégation ;, ainsi que le fait la doctrine courante, il faut la considérer comme une ségrégation ; les subdivisions morphologiques résultent de la spécification d’un simple protoplasma individuel, non de l’association d’une multitude de tels individus. L’organisme est antérieur à ses tissus, les tissus antérieurs à leurs éléments supposés.

De ce point, de vue il expose et critique les trois théories courantes sur l’explication de la vie et de la transmission héréditaire : la pangenèse de Darwin, la polarigenèse de Spencer et la périgenèse de Hæckel. I ! s’attache surtout à ce dernier système, et, tout en le rejetant, il en fait ressortir les mérites. Là où les maîtres ont échoué, je ne me proposerais pas, dit l’auteur, moi leur obscur disciple, de risquer une théorie qui m’est propre, si le hasard ne m’avait livré des faits que je crois propre à expliquer les mystères de la vie. Il raconte des observations qu’il a faites pendant cinq ans sur certains mouvements amiboïdes du protoplasma qui l’ont conduit à une conception dynamique de la vie, et il adopte pour son compte ce principe de Hæckel : « La monère prouve évidemment que notre conception de la vie doit être dérivée dynamiquement ou physiologiquement de ses mouvements vitaux, non statiquement ou morphologiquement de sa composition organique. » Le germe de toute vie et de toute évolution organique consiste dans l’action élémentaire de la désintégration et de la réintégration moléculaires. La première phase de cette action élémentaire représente la faculté qu’a le protoplasma d’être modifié chimiquement par certaines « forces dynamiques » : c’est la source de la vie dite animale. La deuxième phase représente l’affinité chimique du protoplasma pour certains matériaux spécifiques et est la source de la vie dite végétative. L’ectoderme est la structure qui répond morphologiquement à la première phase ; l’endoderme répond à la seconde.

Au-dessous de tous les phénomènes vitaux de croissance, réparation et reproduction, il y a une action chimique modifiée par les influences extérieures. Ce jeu des forces intrinsèques et extrinsèques peut être exprimé comme il suit : 1o restitution fonctionnelle ou résistance, reconstitution corrélative ou réparation, équilibration générique de la croissance ; 2o désintégration fonctionnelle ou faculté d’être impressionné, désorganisation corrélative ou perte, déséquilibration générique ou procréation (seeding). Cette théorie de l’organisation, l’auteur, pour l’opposer à la théorie cellulaire généralement admise, l’appelle théorie de spécification.

Il termine par ces réflexions : « Je crois que la psychologie est destinée à devenir la plus puissante et la plus positive de toutes les sciences, par cette raison que c’est la seule science directe et immédiate, la seule dans laquelle les deux aspects, subjectif et objectif, coïncident et