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LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

Une croyance est un système d’idées investi d’une réalité et jugé supérieur et préférable à tout autre. Une conversion, quelle qu’en soit la nature, consiste dans la substitution d’un autre système d’idées qui à son tour est jugé réel ou du moins supérieur et préférable à tout autre. Comment se fait cette substitution ? Je néglige toutes les métaphores usitées en pareil cas (bourgeon devenant fleur, fruit mûr, etc.), qui n’expliquent rien. On a assimilé la conversion à une suggestion faite par les autres ou qu’on se fait à soi-même ; mais ce n’est qu’un élément de sa psychologie. Pour ma part, je chercherais plutôt ses analogues dans les cas de métamorphose partielle à base physiologique : crise de puberté, passage à la sénilité par transition lente, changement brusque de caractère à la suite de violentes émotions, transformation psychique résultant d’une maladie : bref, dans les cas d’altération partielle de la personnalité. Ces altérations ont des degrés ; plus elles entament le fond de l’individu, plus elles se rapprochent des conversions. Ceci demande à être précisé.

Les cas de double personnalité sont très connus du public, mais il s’agit des grands cas : ceux où deux personnalités se succèdent ayant chacune sa mémoire propre

    métamorphoses qui pénètre dans le tréfonds de l’individu, dans ses sentiments et sa volonté. Ce n’est pas un enseignement purement intellectuel qui pouvait changer les adorateurs d’Odin, ivres de sang et de carnage, en adeptes d’une religion de douceur et de charité. Aussi, on sait les conflits intérieurs entre les deux croyances et surtout les deux morales, les constants retours au culte des ancêtres chez ces convertis d’apparence. Même remarque pour le polythéisme gréco-romain.