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LE RAISONNEMENT INCONSCIENT

mentales, on a soutenu qu’au moment où un jugement s’affirme, il n’est pas nécessaire que ses deux termes soient simultanément dans la conscience. Pour juger A plus grand que B, il suffit qu’il reste de B « une trace physiologique » ; sa présentation consciente n’est pas indispensable. Même en admettant cette thèse, on n’avance guère vers une solution. Notre cas est tout différent, puisqu’on admet que les deux termes et leur rapport sont purement physiologiques. La difficulté est plus grande encore pour un raisonnement, pour une série de jugements liés par des rapports et aboutissant à une conclusion : la totalité de l’opération étant, selon l’hypothèse, un pur mécanisme cérébral.

Enfin une dernière difficulté inhérente aux deux théories : le raisonnement n’est pas réductible à un automatisme mental qui, de lui-même, nécessairement, directement, atteindrait sa fin. Rationnel ou affectif, nous l’avons vu, il procède par acceptation et par élimination. Suivant le mécanisme de l’association, les idées du raisonneur irradient en tous sens. Dans cette profusion de matériaux, il doit choisir ce qui est adapté à son but. Or, dans l’une et l’autre hypothèse, le choix, sans la conscience, est-il explicable ?

Mais laissons ce problème inextricable et les semblants d’explications pour examiner les faits eux-mêmes. Je choisis comme types : 1o les conversions ; 2o les transformations affectives. Je les étudierai comme si l’activité qui les produit était réductible en réalité à des jugements et