Page:Ribot - La logique des sentiments, Félix Alcan, 1905.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
LE RAISONNEMENT PASSIONNEL

Pour l’éclosion de cette passion, il faut d’abord un terrain propice, au moins une disposition temporaire. Quant au rôle du raisonnement dans la naissance, le développement et le maintien de la jalousie, je serai très bref, pour éviter les redites.

Le premier moment est un soupçon, c’est-à-dire un jugement de défiance ; en termes plus précis une inhibition des tendances expansives qui se fixe sur un individu déterminé : rival d’amour, d’ambition, de profession. La pénétration du jaloux vaut celle du timide et est de la même nature psychologique : impression plutôt que connaissance raisonnée. L’hostilité est d’abord vague. Puis les actes, les paroles, le silence même, tout est accepté comme preuves justifiant la supposition, le premier jugement. C’est un raisonnement de découverte participant des deux logiques. L’état de jalousie est constitué.

Le second moment est celui de la cristallisation. Il répète, mutatis mutandis, ce qui se passe pour l’amour : association d’idées à base affective, jugements de valeur qui, positifs ou négatifs, tendent vers la même fin.

L’opération mentale est fort analogue à ce qui se passe dans le délire des persécutions. Je ne prétends pas

    sources selon qu’elle provient du sexe, du cœur, de la tête (jalousie par amour-propre, par vanité.) Elle diffère chez l’homme et chez la femme. L’homme agit de maître à esclave, il commande, emprisonne, s’arroge le droit de tuer. La femme agit d’esclave à maître : mensonge, ruse, rébellion. Enfin, elle présente cette particularité d’être quelquefois rétroactive (la jalousie contre le premier mari d’une divorcée, même d’une veuve), et l’on a pu dire que la dureté de la marâtre n’est que l’effet de la jalousie inavouée contre la première femme.