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LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

2o Avec les formes moyennes, ordinaires de l’amour, le raisonnement passionnel apparaît. Je prends comme guide l’analyse souvent citée de Stendhal. Celle de Spencer non moins connue vaut surtout par l’énumération des éléments constitutifs de l’amour-émotion : ils sont très nombreux, ce qui explique sa force. Celle de Stendhal marque plutôt le développement, l’évolution, les stades de l’amour-passion. Je la traduis dans le langage de la psychologie contemporaine.

D’abord l’admiration, c’est-à-dire le choc qui précède ou accompagne toute émotion. Ce premier moment est purement émotionnel.

Attraction du plaisir : c’est-à-dire l’éveil du désir sous toutes ses formes, physiques et psychiques.

L’espérance, Ici commence une rapide construction imaginative dont nous parlerons plus tard. Il me semble qu’avec elle le jugement de valeur apparaît puisque l’amoureux s’apprécie et se juge capable de succès.

Puis vient la cristallisation, « opération de l’esprit qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l’objet aimé a de nouvelles perfections ». Cette opération est double. On est enclin assez naturellement à croire qu’elle se réduit à une association d’idées dont la base est affective, le désir amoureux étant le centre d’attraction. Cette analyse est incomplète. Le travail de l’esprit ne se réduit pas à un simple automatisme qui groupe les idées suivant leurs affinités et leurs rapports avec la passion actuelle. Il y a, en outre, une série d’affirmations et