Page:Ribot - La logique des sentiments, Félix Alcan, 1905.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
70
LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

paroles, du ton de la voix, de la physionomie et des gestes… impression faite de détails saisis au vol et subtilement analysés ; elle s’oppose au jugement réfléchi que nous porterions sur les personnes d’après leurs caractères et leurs actes observés de sang-froid. Bien des esprits se fient plus à leur impression qu’à leur jugement. Mais en fait, la pénétration du timide n’est pas sûre ; la passion la guide mais aussi l’égare. Sa lucidité a toutes les ressources mais aussi toutes les imperfections de l’instinct. » En lisant cette analyse avec attention, surtout les passages que j’ai soulignés à dessein (ils ne le sont pas dans le texte), on verra facilement que ces intuitions, impressions que Dugas oppose au jugement (sans épithète), c’est-à-dire au jugement rationnel, sont identiques aux jugements affectifs ou jugements de valeur que nous avons étudiés dans le précédent chapitre et sans lesquels il n’y a point de logique des sentiments.

Enfin ce travail a son terme : misanthropie, pessimisme, égotisme, maladie de l’idéal, mysticisme. Le résultat varie suivant le tempérament, le caractère, le milieu, le degré de culture : c’est une conception morale, sociale ou religieuse du monde, mais toujours subjective, personnelle.

Ainsi d’une prémisse — l’état affectif du timide, — d’une série de moyens termes — les jugements de valeurs — sort une conclusion qui systématise et résume le travail de l’esprit.