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LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

posée détermine le choix des unes et le rejet des autres.

Dans les cas pratiques, les seuls accessibles à la fois aux deux modes de raisonnement (pour les cas scientifiques, un seul mode est possible), la logique rationnelle procède plutôt par analyse, la logique des sentiments plutôt par synthèse.

Soit une conclusion par conjecture comme l’issue d’une maladie, d’une affaire ; le raisonnement rationnel décompose le problème en ses éléments : constitution du malade, gravité des symptômes, habileté du médecin, possibilité de soins assidus, etc. ; la conclusion finale est une somme de conclusions partielles. Pour une affaire, examen impartial, exact, complet des données ; calcul à la manière de Franklin, qui, dans les cas douteux, inscrivait chaque jour les raisons pour et contre pendant un temps suffisant, puis comparait, compensait, balançait pour faire surgir la conclusion. Soit une conclusion de fait, par exemple déterminer le caractère d’une personne : le travail intellectuel l’analyse, le résout en ses éléments, déduit, induit et, de l’ensemble des jugements partiels, extrait un jugement final.

Dans la logique des sentiments, au contraire, la conclusion est toujours déterminée d’avance, au moins virtuellement. Si le raisonnement est conjectural, elle dépend du caractère optimiste ou pessimiste, hardi ou timide, enclin à l’espoir où inquiet du raisonneur. S’il s’agit d’une appréciation, comme ci-dessus, elle dépend d’une disposition stable ou momentanée : sympathie ou anti-