Dieux, que Dieu est le monde et qu’il est hors du monde qu’il a fait la matière et qu’elle est éternelle comme lui, que l’âme fait la vie du corps et qu’elle lui est entièrement étrangère ; qu’elle subit le contre-coup de tout ce qui lui arrive et qu’elle est logée en lui comme un principe inviolable[1]. »
C’est parce que ces croyances ne sont pas l’œuvre de la raison raisonnante, mais qu’elles répondent à des désirs très vivaces et très forts chez certains hommes, qu’elles peuvent vivre en paix côte à côte. Pas de lutte entre ces opinions hétérogènes et irréductibles ; l’une n’essaie pas de supplanter l’autre.
Les cas de ce genre, qui abondent dans la vie et dans l’histoire, renferment-ils réellement une contradiction ? Oui, si on les juge au point de vue de la raison, principe d’ordre qui exige dans l’individu l’unité, l’accord avec soi-même. Non, si l’on ne considère dans l’homme que sa, nature affective : alors le principe de contradiction est sans signification, sans valeur, sans emploi légitime. Sous une forme plus générale, posée psychologiquement, la question : « Pourquoi la coexistence d’affirmations rationnellement inconciliables ? » est d’une réponse facile. Parce que chacune est sentie comme nécessaire par l’individu ou le groupe social. Posée logiquement, la position change ; elle est intellectualiste. La contradiction est évidente parce qu’elle est jugée du dehors, objectivement, par des procédés rationnels.
- ↑ Lévy-Bruhl, La morale et la science des mœurs, p. 242.