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LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

nation, le geste, les variations du mouvement oratoire sont des arguments ou du moins des renforcements de la quantité d’émotion qui agit par les mots.

Il y a plus : ces éléments expressifs peuvent agir seuls et, par un agencement habile, produire une sorte de démonstration, si l’on peut emprunter ce terme au vocabulaire de l’autre logique. La logique des sentiments ayant pour but de créer une conviction, une croyance, le procédé employé dans ce cas consiste à susciter une suite, un enchaînement d’états affectifs homogènes ou hétérogènes, qui s’accordent ou qui contrastent, mais tous tendent vers la même fin et ne sont pas suscités par des mots. À ceux-ci (ou aux signes abstraits du calcul), instruments nécessaires de la pensée rationnelle, on substitue des états concrets, des perceptions visuelles, tactiles, motrices. Nous en trouvons des exemples dans les rites d’initiation adoptés par diverses religions. Les mystères d’Éleusis faisaient passer le néophyte par les affres de la mort, traverser les représentations terrifiantes de l’Hadès pour entrer dans la lumière resplendissante du séjour de la Déesse : c’était l’enseignement d’une mort conduisant à une autre vie. On évoquait chez l’Initié une série d’états d’âme dont la conclusion était une croyance nouvelle (probablement en l’immortalité) : les actes symboliques qu’il accomplissait, les spectacles qu’il contemplait étaient les moyens termes de cette démonstration sans mots. — Les mystères d’Isis étaient aussi considérés comme la représentation d’une mort volon-