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LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS

différence c’est que dans le raisonnement rationnel les rapports s’établissent entre les moyens termes par ressemblance, analogie, passage de la partie au tout et du tout à la partie, inclusion, exclusion, etc., et que la série conditionne la conclusion ; tandis que dans la logique affective les rapports entre les valeurs-moyens s’établissent d’après une tendance unique, suivant un principe de finalité, par marche ascendante ou accumulation, par progression, ou régression, contraste, etc., et que la conclusion conditionne la série.

Une dernière remarque. Jusqu’ici nous avons considéré le raisonnement émotionnel comme se développant, ainsi que toute forme d’inférence avec l’aide des mots. C’est l’ordinaire ; mais, dans certains cas, il s’en passe complètement sans cesser, l’agir. Ce caractère lui est propre exclusivement. La logique rationnelle pure exclut tous les états affectifs ; ils sont en dehors d’elle et ne pourraient que l’adultérer. La logique des sentiments les admet tous, pourvu qu’ils servent à son but. Chez l’orateur, le prédicateur, l’homme passionné, tout ce qui tient à l’expression des émotions (intonation, gestes, etc.) est un facteur du raisonnement parce qu’il aide à produire la persuasion. Entre le discours entendu d’un grand orateur et le même discours lu, la différence est capitale quant à l’effet produit : la réalité vue et entendue entraîne, subjugue ; la lecture émeut simplement. C’est que, selon la nature de la logique des sentiments, l’into-