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LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS

La politique abonde en concepts-valeurs qui agissent ou dépérissent suivant la quantité de foi qui s’y attache : théocratie, autocratie, monarchie, démocratie, féodalité ; idée de l’État variant du « salus populi suprema lex » à l’anarchie, etc.

En sociologie, le jugement de valeur — favorable ou défavorable — s’est appliqué aux diverses formes de la famille (matriarcat, patriarcat), du clan ; au régime des castes, de l’esclavage, du servage, du travail libre, du salariat ; aux modalités variables de la propriété (commune, privée, attribuée au seul chef de l’État, etc.).

Enfin les religions, que les théoriciens de la « valeur » ont ordinairement omises dans leurs spéculations. J’excepte Höffding qui, dans sa récente Philosophie de la religion, s’efforce de montrer que leur fond commun est « le principe de conservation de la valeur ». Toute religion étant une croyance, entre de droit dans la sphère des valeurs. Le croyant aveugle attribue à sa religion une valeur absolue et tient les autres pour des non-valeurs. Monothéisme, dualisme, polythéisme, dogmes, mythes, formes diverses des rites et de la prière : tout cela, en passant d’une religion à une autre, est diversement évalué. J’incline à penser que l’activité religieuse est la manifestation la plus complète de la logique des sentiments en tout cas, c’est une source où l’on peut puiser copieusement pour l’étudier.

En résumé, la matière propre de cette logique est le jugement subjectif. Le raisonneur, par une illusion fré-