valeur n’est absolue ; mais celles de la première catégorie seules rendent l’ordre moral possible : elles sont relativement permanentes. Ceci me paraît correspondre à ce qui s’appelle dans une autre terminologie : conditions d’existence de l’individu et de la société. Grâce au progrès de la faculté d’abstraire et de généraliser, il y a transformation des valeurs primaires en valeurs secondaires et inversement.
En esthétique si, au lieu des concepts abstraits de beau, laid, sublime, joli, gracieux, on considère les créations de l’art in concreto et dans leur développement historique, il est d’observation banale que l’évaluation varie suivant les temps et les lieux. Dans la poésie, le roman, l’éloquence, la peinture, la sculpture, l’architecture, la musique, il y a des modes. Or qu’est la mode sinon un changement dans la table des valeurs ? Certains critiques soutiennent que tout ne change pas et qu’il faut faire deux parts : il y aurait les jugements de valeur relativement permanents qui expriment les conditions nécessaires de toute œuvre d’art et les jugements de valeur éphémères qui créent la mode. Même en admettant cette opinion, la part des variations serait encore très grande. Le goût, au sens esthétique, est d’ailleurs un excellent exemple de jugement affectif où l’élément sentimental peut varier de la discrétion de l’art classique à la violence de l’impressionnisme. En somme, tout système esthétique (création et critique) est fondé sur le choix conscient ou inconscient et sur la prédominance d’une valeur.