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LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

états de conscience sont nettement subjectifs telles une hallucination ou les fantaisies d’un romancier qui n’existent que dans le moi. D’autres états de conscience sont objectifs : nous les attribuons à des propriétés de la matière, indépendantes de nous, en dehors de nous, que la physique mesure et réduit à des vibrations dont elle calcule la durée et la vitesse. Quant aux états de conscience désignés sous le nom de valeurs, ils sont assurément subjectifs, puisqu’ils sont l’expression directe de notre individualité et qu’il n’y a pas d’évaluation sans un sujet qui évalue. D’autre part, ces états de conscience supposent des êtres, des actes, des choses auxquels ils s’appliquent ¦ phénomènes moraux, esthétiques, religieux, sociaux, qui existent en dehors de nous, indépendamment de nous. Ces phénomènes objectifs agissent comme stimulus ; ils excitent des réactions affectives et appétives, selon la nature de notre individualité physique et psychique. Pour un aristocrate convaincu, la noblesse est une très haute valeur, parce que les qualités, honneurs, privilèges inclus dans ce mot lui apparaissent comme très désirables, agréables, utiles. Pour le démocrate intransigeant, c’est une chimère, une non-valeur, parce qu’elle n’agit pas sur lui. Entre ces deux extrêmes, plusieurs degrés d’évaluation sont possibles, qui constituent « l’échelle des valeurs ». Ce qui sert à l’alimentation est pour l’immense majorité des hommes d’une grande valeur ; pour l’ascète hindou c’est presque une non-valeur ; pour celui qui est atteint de sitophobie ou