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LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS

vaux des logiciens contemporains sur la nature du jugement. En lisant les anciennes logiques, on pourrait croire que le jugement est toujours un acte absolument intellectuel, l’affirmation ou la négation d’un être qui est pure pensée. Cette conception schématique ne convient pas à la totalité ni même à la majorité des cas, et c’est un service que la psychologie, fondée sur l’observation et l’expérience, a rendu à la logique, de la transformer sur ce point, en montrant que le jugement nous conduit au cœur de l’individualité, qu’il est, comme la volonté, une prise de possession par la personnalité active, que souvent il la révèle. Suivant la remarque de W. Stern[1], la dynamique du jugement dépend si peu de son objet que des recherches sur des phénomènes très élémentaires (clarté, son, toucher, etc.), peuvent éclairer les processus compliqués de la vie courante. Fréquemment, le jugement implique des qualités qui ne sont pas d’ordre intellectuel, mais qui tiennent à notre nature affective ou active, telles que la décision ou l’indécision, la suggestibilité ou son contraire, etc.

Cette conclusion est, en d’autres termes, celle des logiciens contemporains qui ont répudié l’étude in abstracto et purement formelle du jugement. Ils distinguent d’une part les jugements de fait, de constatation, de description qu’ils nomment quelquefois « existentiels » ; d’autre part, les jugements d’appréciation, d’importance, de signification des choses, où suivant l’expression de Lotze, « l’élé-

  1. Psychologie der individuellen Differenzen, chap. x.