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LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS

On a beaucoup écrit et conjecturé sur la constitution mentale de l’homme primitif. Ni les théories généralement admises ni les critiques et doutes qu’elles ont suscités n’importent à notre sujet : car, en dehors de cette reconstitution hypothétique de l’homme appartenant à la préhistoire, nous avons les sauvages actuels qui, à tort ou à raison, sont considérés comme équivalents. Sur ceux-ci on a des renseignements nombreux, variés, positifs. Ce qui en ressort, c’est le niveau très inférieur de leurs facultés logiques : inaptitude à l’abstraction, difficulté extrême à enchaîner les idées suivant des rapports objectifs, etc. Mais le sauvage est capable de raisonnement pratique, construit à l’aide de perceptions et d’images, moyens terme qui le conduisent au résultat désiré, c’est-à-dire à une conclusion. C’est la forme inférieure du raisonnement imaginatif que nous étudierons plus tard en détail et qui s’incarne en une création d’ordre matériel ou spirituel, Ces essais d’inférence ont leurs racines dans les nécessités vitales. Elles répondent aux questions que le sauvage se pose en face des agents naturels et surnaturels. Son raisonnement, comme tout autre, consiste à trouver des intermédiaires qui le conduisent au terme final. Pour s’en convaincre, que le lecteur se rappelle sommairement les procédés que l’homme primitif a combinés en vue de ses besoins pour sa nourriture (chasse, pêche), pour se protéger contre les intempéries, (vêtements, habitations), pour l’attaque et la défense contré les animaux et ses semblables (les armes qui