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LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

reste acquis : c’est qu’on ne peut attribuer à l’association seule une masse de faits qu’on porte couramment à son compte. Ainsi dans les ouvrages d’esthétique, on parle sans cesse des affinités entre les sensations lumineuses et les sensations auditives, de la gamme des couleurs et de la gamme des sons, la mélodie est comparée au dessin, etc. ; les critiques sont prodigues en comparaisons de ce genre et on les explique par l’association. Ce qui trompe, c’est que ces locutions, sans cesse répétées, fixées par l’habitude, semblent le produit d’une opération tout automatique. Il serait plus exact d’y voir un jugement, une affirmation à base inconsciente résultant non d’une comparaison réfléchie, mais d’un acte spontané de l’attention percevant des rapports de ressemblance. Toutefois, c’est un jugement d’une nature spéciale ; il est affectif, c’est-à-dire issu de notre organisation émotionnelle. C’est lui qui est l’élément principal de la logique des sentiments et il sera étudié comme tel dans le prochain chapitre.

Notre conclusion est donc surtout négative. Toutefois cette discussion a eu l’avantage de nous apprendre que ce n’est pas dans l’association qu’il faut chercher les conditions de la structure et de l’enchaînement des raisonnements affectifs.