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L’ASSOCIATION DES ÉTATS AFFECTIFS

jugement et le raisonnement à l’association ne voient que les termes, non leurs rapports. Or il ne suffit pas de percevoir des termes associés par contiguïté ou ressemblance, il faut comprendre la relation qui les unit. Associer et juger sont deux opérations distinctes, quoique, à la limite, il soit quelquefois difficile de les distinguer. L’association est la condition du jugement : celui-ci n’apparaît que lorsque l’attention se fixe moins sur les termes que sur leurs relations. On a fait aussi remarquer que l’association n’est jamais achevée en elle-même, que de nouveaux membres peuvent s’y joindre sans cesse ; tandis que dans le jugement un processus est détaché de sa connexion avec le reste des idées ; il est isolé, pour ainsi dire achevé dans la conscience. — Juger, dit Jerusalem (ouv. cité), c’est moins analyser ou unir que poser un objet qui existe par lui-même et d’une manière indépendante. Le jugement est une représentation modifiée en ce sens que nous nous représentons un événement d’une autre manière après le jugement qu’avant. D’où vient cette modification ? de ce que tout jugement n’est pas seulement une représentation, « mais un fait, un acte de volonté ». Il doit toujours contenir quelque élément affectif (Gefühl) : c’est l’intérêt que nous sentons à accomplir la fonction de juger.

Sans chercher si l’auteur ne fait pas la part trop large au sentiment et aux tendances dans la constitution des jugements et s’il n’y en a pas qui sont subis par le sujet, imposés par la nature objective des phénomènes, un point