le problème indiqué plus haut : est-ce une association ou un jugement ? La question est obscure et ne peut être traitée que par la psychologie. Pour la logique pure, le jugement n’existe que sous sa forme adulte, comme une fonction pourvue de tous ses organes — sujet, attribut, rapport — et se traduisant par des mots. Telle est du moins la conception schématique qui a prévalu pendant des siècles et qui subsiste encore dans les traités contemporains, sauf quelques exceptions. Pour la psychologie, le jugement est une fonction à évolution complète dont on peut suivre les étapes depuis sa forme embryonnaire jusqu’au terme final où il se confond avec le raisonnement, parce qu’il apparaît comme la conclusion d’une opération inconsciente dont le résultat seul est connu.
Höffding (loc. cit., 1er article) a montré en détail que la forme réelle du raisonnement diffère souvent de la forme logique qui diffère elle-même de la forme grammaticale. À consulter aussi sur les rapports du jugement avec la perception (intuition) et l’association des Idées.
Dans son intéressante monographie, Die Urtheilsfunktion, (Wien, 1893), Jerusalem a donné quelques indications sur les stades progressifs de l’évolution du jugement.
D’abord les formes primitives : le « jugement sensoriel » (Sinnesurtheil) ou perceptif (Morgan), inclus dans une perception, issu de l’observation directe, telle que l’affirmation qu’une maison brûle ; — les jugements dits impersonnels, sans sujet, tels que « Il pleut, il neige, il paraît », etc. Quelques auteurs les considèrent comme un reste de l’époque lointaine où les différentes classes de mots (parties du discours) n’étaient pas encore différenciés ; — les jugements exprimés par un seul mot : bravo, mal, courage ! etc., qui sont des survivances du temps où la proposition, sous sa forme analytique, n’était pas encore constituée.