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L’ASSOCIATION DES ÉTATS AFFECTIFS

l’expérience, des contrastes de sentiments comme ceux qui suivent : celui qui mène une vie agitée aspirant au repos ou inversement, l’optimisme succédant par éclairs au pessimisme d’un mélancolique, l’amour et la haine alternant dans la jalousie ; la maladie, la ruine, la misère, le regret permanent d’un être aimé évoquant pour quelques courts instants la joie autrefois goûtée des états contraires. On a noté depuis longtemps que l’activité spontanée, automatique de l’esprit produit dans les rêves une interversion des dispositions et tendances habituelles : l’homme sobre savoure en songe d’abondantes libations, la prostituée a des visions angéliques, etc. (Gratiolet, Griesinger, Lombroso). Plus récemment Sante de Santis, dans un travail spécial (I Sogni, Torino, 1899, p. 278 et suiv.) a relevé un certain nombre de cas où les émotions de la veille se reproduisent pendant le sommeil, mais sous une forme contraire ; il·les appelle « songes par contraste émotif ».

Mais aucun de ces passages du contraire au contraire n’est une association. Ils sont l’effet de l’énergie de notre système nerveux qui est limitée. Si une action durable l’épuise ou une direction, l’organisime exige du repos ou une excitation différente. Dans la vie affective, il n’existe en fait et positivement que des états qui réciproquement s’entravent, s’excluent, se détruisent, Tant qu’on n’en sort pas, les phénomènes sont différents, dissemblables ; ils ne sont posés comme contraires que par le sujet qui connaît et pense ; c’est-à-dire par un acte intellectuel.