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LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

excessif de l’unité a fait confondre à tort : les contrastes intellectuels, dans l’ordre de la connaissance ; les contrastes affectifs, dans l’ordre du sentiment. Ils ne sont pas réductibles aux mêmes causes ni, par suite, aux mêmes explications.

1o Contraste intellectuel. — Je crois qu’il faut en chercher l’origine dans une opération primitive de l’esprit, la discrimination ou différenciation, la faculté de percevoir deux états de conscience comme différents, Elle correspond à la fonction contraire d’assimilation et d’après certains autours serait chronologiquement antérieure, marquant le premier éveil de la connaissance. Je néglige cette discussion qui est étrangère et inutile à notre sujet. Le premier moment de la différenciation est spontané, grossier et n’établit que des différences absolues (ex. : le cerveau débile d’un nouveau-né qui distingue un contact d’un son), Il se réduit à la conscience de deux états hétérogènes, entre lesquels il n’y a aucune commune mesure, aucune relation, sauf le rapport très général et très vague de coexistence ou de succession dans le temps.

Le second moment suppose un acte de comparaison d’un degré quelconque c’est la différenciation comparative. Il implique entre les deux états une commune mesure, c’est-à-dire au fond une communauté de nature[1], qui le plus souvent n’est pas reconnue explicitement, mais agit comme substratum inconscient de la comparaison.

  1. Un mariage, dit Wundt, peut faire penser à un enterrement (union et séparation des conjoints), mais non à un mal de dents.