Ainsi la logique des sentiments a son domaine propre ; elle n’est ni un chapitre des sophismes ni une annexe de la croyance. Cette dénomination par sa généralité, nous a paru préférable à toute autre ; logique du préjugé, de la croyance, de l’opinion, de l’erreur — autant de termes qui conviennent à un aspect de la question, mais dont aucun ne l’épuise. À travers ses applications multiples et ses formes disparates (je ne me flatte pas de les avoir énumérées toutes) elle conserve son unité parce que son mécanisme est toujours le même — une adaptation de jugements de valeur à une conclusion préjugée — ; mais surtout parce que, malgré ses métamorphoses et travestissements rationnels, elle reste la logique des instincts, c’est-à-dire un effort pour les rationaliser.
J’ai signalé précédemment (chap. iii, § 1) l’hypothèse qui assimile l’instinct à une logique organique, fixée par l’hérédité. Quoi qu’on pense de cette analogie un peu vague et que je ne suis pas enclin à accepter, il est certain que ces deux manifestations psychiques ont un caractère commun : l’adaptation à un but. Celle de l’instinct est fixe, invariable, sauf des exceptions et dans des limites restreintes. Celle du raisonnement est plastique, variable, multiforme. Dès que, par suite du développement cérébral et des fonctions supérieures de l’esprit, les tendances, désirs ou aversions, au lieu d’être des impulsions presque uniquement physiologiques qui ne se traduisent