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CONCLUSION

à sa genèse ; celle-ci est indépendante de la logique ; elle naît directement du fond de notre nature affective et active. Le célèbre pari de Pascal, remarque W. James, est une hypothèse morte pour celui qui n’a pas déjà et par avance une tendance à croire en Dieu.

2o La croyance solide, inébranlable, quel que soit son objet, religieux, moral, politique, ou telle que la foi aveugle de l’amoureux, est étrangère à la logique. Elle est placée en dehors, dans une autre sphère : celle de l’affirmation immédiate et irrésistible ; sous cette forme absolue, la croyance ne peut être ni confirmée ni infirmée par le raisonnement : c’est une position privilégiée, où croyance égale certitude.

3o D’un autre côté, il y a des formes de la logique affective qui naissent non des croyances, mais des désirs ou aversions et de leurs variétés : le raisonnement conjectural ou imaginatif, le travail qui produit les transformations précédemment étudiées (chap.  iii), la période préparatoire de certaines conversions qui se font parce qu’elles sont désirées ; les raisonnements utiles à l’expansion de l’individu et qui sont un instrument de combat.

En résumé, la psychologie de la croyance et celle du raisonnement affectif, malgré de nombreux points de contact, ne coïncident pas dans toute leur étendue. Il serait donc erroné de les confondre. La logique et la croyance sont foncièrement différentes : la première n’est qu’un moyen transitoire, adapté à la lutte ou à la défense ; la seconde est un état stable, une possession, une fin.