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LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

En résumé, les sophismes vrais sont des vices intellectuels. Ils peuvent se constater matériellement et être rectifiés comme des erreurs de calcul. Il est aisé, même avec une culture moyenne et un peu de réflexion, de découvrir un cercle vicieux, un dénombrement imparfait ou une fallacia accidentis. Ils résultent d’une faiblesse de l’esprit, d’un défaut d’attention, d’une inaptitude à induire ou déduire correctement,

Les sophismes du cœur seraient plus convenablement nommés des préjugés (au sens étymologique : jugé par avance), puisque dans la logique affective, implicitement ou explicitement, la conclusion impose toujours la forme du raisonnement. Il est certain que, du point de vue rationnel, la logique des sentiments — qu’on pourrait appeler aussi logique des préjugés — est une sophistication perpétuelle même quand elle réussit, c’est par hasard et sans titre légitime. L’emploi constant des concepts et jugements de valeur, création subjective, variable selon les individus et les époques, la place dans l’équivoque mais la question est de savoir si cette logique qui a son utilité, puisqu’elle dure, doit être jugée d’après les règles inflexibles de sa rivale.

En réalité, les deux logiques occupent chacune un terrain qui lui est propre. Elles s’y développent d’après des procédés différents qui sont déterminés par leurs buts. Elles ont, l’une et l’autre, leur psychologie, leurs conditions d’existence, leur raison d’être comme expression de deux tendances opposées de la nature humaine. Cette