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L’IMAGINATION CRÉATRICE AFFECTIVE

tion, si nombreuses qu’elles soient, doivent être réductibles à quelques types ; or, parmi ces types, il en est un que j’ai appelé diffluent, fait d’images à contours vagues, indécis, qui sont évoquées et liées selon les modes les moins rigoureux de l’association. Ceci nous met sur la voie ; car, en poursuivant l’analyse, on voit que l’imagination affective en est une espèce.

On pourrait invoquer encore une autre raison : l’insuffisance actuelle de la psychologie des sentiments ; ce qui n’est guère contesté. J’avoue que, pour ma part, ayant étudié ailleurs la mémoire, l’abstraction et la généralisation des émotions — sujets peu en faveur près des psychologues, — je n’avais pas même entrevu la question qui a donné lieu au présent chapitre.

Mais la raison décisive et vraiment topique, c’est que dans le développement séculaire de la faculté d’imaginer, la forme affective ne s’est affirmée nettement que très tard : les exemples énumérés plus haut en sont la preuve. C’est la conséquence de sa nature essentielle. Elle suppose l’épanouissement et même la prépondérance de la vie intérieure sous sa forme sentimentale, c’est-à-dire un fond très riche d’émotions variées, complexes, aptes à former des combinaisons, oppositions et contrastes de toute sorte. Je rappelle en outre l’entrave due aux procédés matériels d’expression si longtemps insuffisants. Aussi, comme l’histoire le montre, le pouvoir créateur de l’homme a employé d’abord les images plastiques (visuelles, tactiles, motrices) ou les concepts pour cons-