absolu à l’affection pour tout ce qui est créature, par le bannissement de toute image créée — période souvent accompagnée d’un état d’ivresse qui s’exprime par la joie ou les larmes. Ce n’est pas assez. Il faut se dépouiller de tout désir personnel et de toute image quelconque. « On ne manquera pas de me dire : À quoi donc alors s’attache l’esprit, s’il rejette ainsi toute imago ? Il ne s’attache à rien du tout, il demeure entièrement nu et dégagé, car s’il s’appuyait sur quelque chose, il faudrait nécessairement que cela même fût une image. » (Tauler.) L’achèvement est dans un status otiosus, une illumination sans fin « où l’âme se noie dans la mer sans fond de la Divinité, se liquéfie dans le feu de l’amour éternel, est ensevelie en lui ».
Dans ce progrès continu d’appauvrissement intellectuel et de simplification à outrance dont nous ne présentons qu’une très grossière esquisse, où l’imagination affective trouverait-elle une place ?
Elle est rigoureusement exclue du moment de l’extase vraie qui, suivant la remarque de Godfernaux, « n’est pas même monoïdéique, mais aïdéique », c’est-à-dire un retour à l’état affectif pur, presque indifférencié, non connu, seulement senti. S’il n’était superflu d’en fournir des preuves, on en trouverait abondamment dans les écrits mystiques [1].
- ↑ J’en transcris un seul qui m’est communiqué par l’auteur cité plus haut : « En cette transformation de l’esprit en Dieu, l’esprit même s’écoule hors de soi et défaut, et se laissant avec toute la propriété de soi-même et des autres choses, il est plongé et enfoncé, fendu et liquéfié, absorbé