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L’IMAGINATION CRÉATRICE AFFECTIVE

luttant contre l’obstacle de l’expression verbale qui lui est mal adaptée, qui l’entrave et, par un effort instinctif ou réfléchi, essayant de dérober ses procédés à la forme type (musicale). C’est un art issu de la forme d’imagination méconnue qui fait l’objet de cet article : il lui doit ce qu’on a loué et blâmé en lui, ses qualités, ses défauts, son obscurité. Son caractère émotionnel me paraît la clef de toute sa psychologie ; il l’explique et elle s’en déduit.

VI

Dans notre recherche des modes de création à matière affective nous descendons à des formes encore plus incomplètes et plus pauvres. A priori, on serait disposé à croire que, chez les mystiques, le rôle dominateur de l’amour doit faire éclore à profusion ces imaginations méconnues que nous étudions : or, l’examen des faits prouve le contraire et la réflexion l’explique.

Suivant la remarque de quelques contemporains, le mot mysticisme est devenu très élastique. On l’applique à l’art (le symbolisme que nous quittons), à l’illuminisme, aux études occultes, à la théosophie, et à bien d’autres choses. Il ne s’agit ici que du mysticisme religieux, considéré à bon droit comme la forme typique. Quoique tous les mystiques aient un air de famille et que, malgré les différences de sexe, de race, de religion, de culture, de temps et de lieu, leurs écrits et leurs récits offrent une remarquable uniformité, nous pouvons, pour simplifier