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LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

serait trop long. Je suis avec ceux qui la tiennent pour composée, l’association par contiguïté étant seule élémentaire[1]. L’analyse montre, en effet, qu’elle suppose deux moments. Le premier moment est l’assimilation, la conscience des ressemblances, manifestation primordiale de la faculté de connaître que l’on constate chez les animaux et les petits enfants, source originelle de l’abstraction et de la généralisation. Cette aptitude spontanée à saisir les ressemblances est un travail de l’esprit qui n’a rien à faire avec l’association. Le second moment consiste en une addition d’attributs complémentaires qui se fait par contiguïté. Je rencontre une personne A qui me rappelle un camarade B que je n’ai pas vu depuis quarante ans : cela s’appelle une association par ressemblance. Que se passe-t-il en fait ? L’ensemble de A, sa taille, sa démarche, sa figure, ses yeux, son nez me donnent une impression de déjà vu. Pour que la vision de A ne reste pas un fait isolé, ne suggérant, rien, pour qu’il évoque l’image de B, il faut en sus que les caractères propres à B s’ajoutent et produisent ainsi dans ma conscience l’image complète ou censée telle de B. Or cette réintégration, cette tendance d’un tout à se compléter est la marque spécifique de la loi de contiguïté[2].

  1. Déjà l’Écossais Th. Brown critiquait le mot association » comme impropre. J. Sully emploie l’expression suggestion par ressemblance », W. James conserve le mot parce qu’il est consacré par l’usage, mais il l’identifie avec l’association « focalisée » qui n’a lieu qu’entre des états composés. Beaucoup d’autres psychologues contemporains soutiennent la même thèse sous diverses formes.
  2. Remarquer que l’acte d’assimilation ne perçoit que des ressemblances