rêve ; elles donnent aux dispositions et tendances une apparence concrète et une forme consciente momentanée.
Deuxième moment. — Ici est le pas périlleux où les difficultés commencent, où apparaît l’impossibilité pour l’imagination affective de se fixer en des mots, Toute création, pour se réaliser, doit s’assujettir à des conditions matérielles or, comment donner à cette matière fluide une forme, un corps ? Comment l’organiser sans lui faire perdre sa fluidité ?
Pour le musicien, c’est facile : il l’exprime par les sons, éléments aériens qui ne flottent que dans le temps. Les représentations à contours arrêtés — visuelles, tactiles, motrices — sont totalement exclues où rares, épisodiques. De plus, les notes, les intervalles, les accords même n’ont pas une valeur, une signification fixes ; il les manie en liberté.
Pour l’écrivain symboliste les conditions sont tout autres : il ne peut employer que les mots. Comme ceux-ci sont adaptés à traduire la pensée bien plus que les sentiments, il faut qu’ils perdent partiellement leur fonction intellectuelle et qu’ils subissent une nouvelle adaptation,
Un premier procédé, le plus radical et le moins fructueux, consiste à essayer de donner aux mots une valeur exclusivement émotionnelle. Quelques symbolistes en sont venus à cette tentative extrême que la logique des choses imposait. Ils veulent transférer aux mots le rôle du son, en faire l’instrument qui traduit ou suggère l’émotion par la seule sonorité ; les mots doivent agir non