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LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

On peut à son gré la juger inférieure ou supérieure. Les symbolistes sont introduits ici à titre de documents, étant d’intention et de fait des traducteurs subtils de la subjectivité et de l’émotion ; et le seul point qui nous intéresse, c’est la nature psychologique et le mécanisme spécial de leur mode de création qui est essentiellement affective.

Premier moment. — Elle débute par une transposition analogue à celle que nous avons rencontrée chez les musiciens et qui consiste en ce que les données sensorielles sont métamorphosées en états émotionnels.

Les symbolistes professent pour la plupart une esthétique raffinée et une métaphysique animiste dont le fond est ceci : Ce que nos sens nous révèlent, ce qui est visible, tangible, résistant, n’est que le symbole d’un inconnu et le voile d’un mystère. Ils se placent en face de la nature non pour la connaître, mais pour en faire jaillir des émotions. L’art symbolique admet que tous les êtres sont des « forces » et que nous ne les connaissons que par leur action sur nous, c’est-à-dire par les sentiments qu’ils nous suggèrent. Il fait perdre aux choses leurs contours et apparences sensibles pour les transformer en des « sources d’émotions ». Il ne cherche pas à décrire, mais à transmettre l’état d’âme par lequel, selon lui, nous communiquons avec chaque chose. « Ce qui caractérise le symbolisme, dit l’un de ses principaux maîtres, Viellé-Griffin, c’est la passion du mouvement au geste infini de la vie même, joyeuse ou triste, belle de toute la multiplicité de ses métamorphoses, passion agile et protéenne